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274. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

On appelle ici coquetier un homme qui va de chaumière en chaumière et de verger en verger acheter des œufs, des prunes, des pommes, des petites poires sauvages, des châtaignes ; qui en remplit les paniers de ses ânes, et qui va les revendre avec un petit bénéfice aux portes des églises, après vêpres, dans les villages voisins. […] » — « Ils sont morts de tristesse et de vieillesse, loin de leur soleil et loin de moi. » — « Mais est-il bien vrai que vous allez vendre ces prés, ces vignes, ces bois, cette bonne maison que le soleil faisait reluire comme les murs d’une église au fond du pays ?  […] J’avais douze ans, j’en avais vingt, j’en avais trente ; regards de ma mère, voix de mon père, jeux de mes sœurs, entretiens de mes amis, premières ivresses de ma vie, aboiements de mes chiens, hennissements de mes chevaux, expansions ou recueillements de mon âme tour à tour répandue ou enfermée dans ses extases, matinées de printemps, journées à l’ombre, soirées d’automne au foyer de famille, premières lectures, bégayements poétiques, vagues mélodies : tout se levait de nouveau, tout rayonnait, tout murmurait, tout chantait en moi comme ce chant de résurrection, comme l’Alleluia trompeur qu’entend Marguerite à l’église le jour de Pâques dans le drame de Gœthe. […] Vous savez que le mur de l’église projette son ombre sur cette partie du jardin, et que l’on communique, par cette porte dérobée, de l’enclos dans le cimetière du village. […] C’était une sourde et monotone psalmodie qui sortait d’une petite fenêtre grillée au flanc de l’église, tout près de moi.

275. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Plus de soixante ans après, au terme de sa carrière, M. de Talleyrand, adressant à l’Académie des sciences morales et politiques l’Éloge de Reinhard, prenait plaisir à remarquer que l’étude de la théologie, par la force et la souplesse de raisonnement, par la dextérité qu’elle donnait à la pensée, préparait très bien à la diplomatie ; c’en était comme le prélude et l’escrime ; et il citait à l’appui maint exemple illustre de cardinaux et de gens d’Église qui avaient été d’habiles négociateurs. […] M. de Talleyrand, sommé peu après par le pape de revenir à résipiscence sous peine d’excommunication (et il faut convenir qu’il ne l’avait pas volé) se le tint pour dit, et quitta décidément l’Église pour embrasser la vie séculière. […] M. de Sainte-Foix, qu’elle a fait réveiller à quatre heures du matin, n’a pu trouver l’évêque, celui-ci ayant couché hors de son domicile et près d’une église où il devait ce jour-là même consacrer deux évêques nouvellement élus.

276. (1890) L’avenir de la science « XII »

Un jour, ma mère et moi, en faisant un petit voyage à travers ces sentiers pierreux des côtes de Bretagne qui laissent à tous ceux qui les ont foulés de si doux souvenirs, nous arrivâmes à une église de hameau, entourée, selon l’usage, du cimetière, et nous nous y reposâmes. Les murs de l’église en granit à peine équarri et couvert de mousse, les maisons d’alentour construites de blocs primitifs, les tombes serrées, les croix renversées et effacées, les têtes nombreuses rangées sur les étages de la maisonnette qui sert d’ossuaire 110 attestaient que, depuis les anciens jours où les saints de Bretagne avaient paru sur ces flots, on avait enterré en ce lieu. […] Je servais alors le Dieu de mon enfance, et un regard élevé vers la croix de pierre, sur les marches de laquelle nous étions assis, et sur le tabernacle, qu’on voyait à travers les vitraux de l’église, m’expliquait tout cela.

277. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Madame de Montespan vint à Paris, visita les églises, jeûna, pria et pleura ses péchés. […] Elle descendit à l’église, puis à Clagny, où elle prit madame de Montespan dans son carrosse et la mena à Trianon avec elle. » Le 14 juin. […] C’est-à-dire qu’elle ne se bornât pas à suspendre le dérèglement de sa vie à l’époque des grandes fêtes de l’église.

278. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Homme d’Église avant tout, et peu fait au spectacle de violence et de désordre que donnait la vie des princes et des guerriers, attendons-nous à le voir soutenir avec fidélité, même avec obstination, mais sans ambition et sans calcul, la cause de la puissance spirituelle, ne sachant transiger ni sur le péché dont il deviendrait complice en le tolérant, ni sur la foi qu’il croit engagée dans les questions d’intérêt ecclésiastique. […] Anselme, qui a de beaux mots et des paroles heureuses pour exprimer sa pensée, disait en écrivant à Baudouin, roi de Jérusalem : « Il n’est rien qui soit plus cher à Dieu en ce monde que la liberté de son Église. » Ç’a été comme la devise et la maxime des seize dernières années de sa vie, et l’opinion catholique universelle lui en a su gré avec une solennelle reconnaissance. […] Le poète Callimaque a fait une épigramme où il dit à peu près : « Ce lièvre que le chasseur poursuit par monts et par vaux avec toutes sortes de fatigues et par toutes les intempéries de l’air, donnez-le-lui tout tué, il n’en voudra pas. » Anselme, pour le résumer dans sa double carrière, reste mémorable à deux titres : historiquement, il a été l’un des patrons, des défenseurs, des militants et des patients pour la liberté de l’Église en face de l’État, scientifiquement, il est l’inventeur d’un argument métaphysique pour l’existence de Dieu, ce qui, joint à ses autres écrits, fait de lui l’un des rares successeurs de saint Augustin et de Platon, l’un des prédécesseurs de Descartes et de Malebranche.

279. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

.) — Joignez-y même (vous ne serez pas au bout, mais vous atteindrez au moins un chiffre consacré) comme une septième lignée la plus ancienne, la plus obscure, la moins écrite, et, dans les temps modernes, la source vraie des autres : tout l’ordre religieux qui cristallise dans l’église catholique autour de la confession auriculaire et qui pousse encore au XIXe siècle, de Lamennais à l’abbé Bremond, de vigoureux rameaux. […] Camille Mauclair sont presque des lieux communs des prédicateurs chrétiens (voyez le sermon sur la haine de la vérité et bien d’autres de Bossuet), lorsqu’ils veulent marquer la place de la société spirituelle de l’Église, dans le monde qui la déteste et l’assaille. L’Église tout en se plaignant de ne pouvoir réaliser son absolu, s’arrange pour réaliser quelque relatif, quelque fragment de la Jérusalem Céleste pour le réaliser dans la société, contre la société, et même parfois par la société puisqu’elle est elle-même, comme toute société spirituelle, une société quelque peu politique.

280. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Abandonner la religion à la liberté du sens propre, c’est semer les sectes à l’infini ; témoin les pays de protestantisme où le droit d’examen n’est pas réglé par une Église établie ; témoin ces innombrables Églises dans l’Eglise américaine. […] Les grands hommes du protestantisme l’eurent bientôt compris ; car, au temps même qu’ils se séparaient de l’unité catholique, ils essayaient d’en former une à leur façon ; et, tout en rejetant la tradition de l’Église établie, ils se fatiguaient à chercher dans les ténèbres des origines la tradition plus lointaine encore d’une Église primitive. […] Le jésuite croira plus au pape qu’à l’Église ; le quiétiste pensera que l’amour de Dieu rend le christianisme inutile. […] Parmi les saints, il ne pratique guère que les mystiques, et ne s’autorise, dans leurs livres, que des doctrines que la sainteté des auteurs ou l’obscurité de la matière a protégées contre les suspicions de l’Église établie. […] « J’espère, lui écrit le duc de Bourgogne, par la grâce de Dieu, non pas telle que les jansénistes l’entendent, mais telle que la connaît l’Eglise catholique, que je ne tomberai jamais dans les pièges qu’ils voudront me dresser. » Le sage Mentor a oublié le conseil qu’il donnait au roi Idoménée de ne point se mêler des affaires de religion, et d’en laisser les débats aux prêtres des dieux165.

281. (1864) Le roman contemporain

Dutertre est religieux à sa manière et à la manière de madame George Sand, mais il n’est pas religieux comme l’entend l’Église. […] Elle quitte les pipeaux de la pastorale et de l’élégie pour emboucher la trompette et reprendre sa guerre contre le catholicisme et l’Église. […] C’est sur un roman qu’elle juge, condamne l’Église, et ce roman, elle en est l’auteur. […] Elle aurait eu pour appuyer son cœur dans ses épreuves les secours surnaturels qu’on trouve dans l’église, et que M.  […] Point de nom de famille, elle n’avait pas de famille ; point de nom de baptême, l’Église n’était plus là.

282. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Le Discours sur l’histoire universelle est de 1681, et l’Histoire des variations des Églises protestantes est de 1688. […] Il veut leur faire honte de donner à l’Église les fils ou les filles qu’ils ne peuvent doter. […] L’Histoire des variations des églises protestantes, 1688. — Discussions récentes à ce sujet [Cf.  […] Pressensé, Les Trois Premiers Siècles de l’Église chrétienne ; et Ad. […] Claude, 1682 ; — l’Histoire des variations des églises protestantes, 1688 ; — les six Avertissements aux protestants, 1689-1691 ; — et les deux Instructions sur les promesses de l’Église, 1700 et 1701.

283. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Il les avait adressées, les neuf premières, à un philosophe aux trois quarts convaincu, mais dont la raison, habituée au positif, reculait devant la transformation de l’école en temple, de la science en dogme, de l’industrie en culte, des beaux-arts et de la philanthropie en religion ; les cinq dernières, à un millénaire écossais, protestant qui aspirait à l’unité, mais qui méconnaissait dans le catholicisme la constitution sociale du christianisme, n’y voyait qu’une corruption de l’Église primitive, et croyait au rétablissement prochain, et au règne indéfini de l’antique société évangélique. […] Puis s’arrachant au vague, il en vint à s’occuper scientifiquement et historiquement des religions révélées, et c’est au fort de ces études opiniâtres dans lesquelles s’absorbait sa précoce pensée, que, le nouveau christianisme de Saint-Simon lui étant apparu sous son véritable jour, il se fit une révolution en lui ; que ses études, jusque-là confuses, s’enchaînèrent ; que le chaos du passé se déroula harmonieusement à ses yeux, et qu’il saisit la raison divine des choses, s’écriant à la vue de l’Église de toutes parts croulante et de la synagogue encore debout : « Oui, nous marchons vers une grande, vers une immense unité : la société humaine, du point de vue de l’homme ; le règne de Dieu sur la terre, du point de vue divin ; ce règne que les fidèles appellent tous les jours par leurs prières depuis dix-huit ceints ans.

284. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Il avoit mis dans un de ses ouvrages : Il y a quelques petits moines qui sont dans l’église, comme les rats & les autres animaux imparfaits étoient dans l’arche. […] Il fit présent à l’église de saint Memin, près d’Orléans, d’une cassolette de vermeil, estimée quatre cent livres, avec un revenu annuel pour y entretenir des parfums.

285. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

De plus, comme dans l’Écriture tout a un rapport final avec la nouvelle alliance, on pourrait croire que les élégies de Job se préparaient aussi pour les jours de deuil de l’Église de Jésus-Christ : Dieu faisait composer par ses prophètes des cantiques funèbres dignes des morts chrétiens, deux mille ans avant que ces morts sacrés eussent conquis la vie éternelle. […] Cela nous semble un mystère sublime et touchant, que Jésus-Christ ait choisi pour chef de son Église précisément le seul de ses disciples qui l’eût renié.

286. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Les romains naissent presque tous avec beaucoup de sensibilité pour la peinture, et leur goût naturel a encore des occasions fréquentes de se nourrir et de se perfectionner par les ouvrages excellens qu’on rencontre dans les églises, dans les palais, et presque dans toutes les maisons où l’on peut entrer. […] Lorsque l’école de Rubens étoit dans sa force, les dominiquains d’Anvers voulurent avoir quinze grands tableaux de devotion pour orner la nef de leur église.

287. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Pour amplifier cette délicate chapelle en la grande église de La Colline inspirée, M.  […] Aussi devrait-on distinguer entre l’hérésie de l’esprit et du cœur, celle de l’Évangile sans l’Église, du christianisme sans catholicisme, — et l’hérésie de la matière, celle de l’Église sans l’Évangile, du catholicisme sans christianisme. […] Barrès, sinon son goût et son sentiment, est ici d’accord avec les directions que désigne le doigt de l’Église ! […] Le tombeau du Justicier m’évoque l’église de L’Annonce faite à Marie et le symbolisme de M.  […] C’est que malgré moi, ou plutôt avec un consentement qu’à la réflexion j’accorde volontiers, je transporte encore au monde intérieur les figures de l’Église militante et de l’Église triomphante que lui donnait M. 

288. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Ses yeux sont habituellement fixés sur ces grandes ténèbres, et il peint avec un frémissement de vénération et d’espérance l’effort que les religions ont fait pour les percer. « Au cœur des plus lointaines montagnes1396, dit-il, s’élève la petite église. […] Ton âme serait bien morte, si jamais, à aucune heure, à l’heure gémissante de minuit, quand le spectre de cette église pendait dans le ciel, et que l’être était comme englouti dans les ténèbres ; tu serais bien inerte, si elle ne t’a pas dit des choses indicibles qui sont allées jusqu’à l’âme de ton âme. Celui-là était fort qui avait une église, ce que nous pouvons appeler une église. […] L’Église protestante au dix-neuvième siècle, comme l’Église catholique au seizième siècle, a besoin d’une réforme. Il nous faut un nouveau Luther. « Car, dit-il dans son livre du Tailleur, l’Église est l’habit, le tissu spirituel et intérieur, qui administre la vie et la chaude circulation à tout le reste ; sans lui, le cadavre, et jusqu’à la poussière de la société, finiraient par s’évaporer et s’anéantir.

289. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Les Rois, quand on avait des Rois, faisaient mettre le leur dans des boîtes d’or et les envoyaient aux Églises auxquelles ils avaient le plus de foi et qu’ils avaient le plus aimées. […] C’est Brucker, tombé des athénées du monde dans les cryptes des églises chrétiennes. […] Mais dans quel roman a-t-on abordé, avec une pareille précision, tout ce qui constitue la mort chrétienne dans les plus petits détails des cérémonies dernières de l’Église, et sans oublier une seule de ses maternelles attentions pour le Fidèle qui meurt dans son sein ! […] Il aimait la Papauté et l’Église comme ou les aimait au Moyen Âge. […] C’est de bonne guerre contre l’Église de calomnier les Jésuites, que l’athée Frédéric II, ce connaisseur en grenadiers, respectait comme ses grenadiers.

290. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

L’Église catholique invoquait sa perpétuité contre les protestants, et par conséquent recommandait l’étude de l’histoire et des langues. […] Au treizième siècle, l’ange de l’école avait parcouru le cercle des connaissances humaines pour accorder les doctrines d’Aristote avec celles de l’Église. […] Son malheureux fils, l’âme navrée, s’adressa au chapitre de l’église métropolitaine, et le fit enterrer enfin dans l’église des pères de l’Oratoire (detta de’ Gerolamini), qu’il fréquentait de son vivant, et qu’il avait choisie lui-même pour le lieu de sa sépulture. […] Alors son fils Gennaro lui fit graver, dans un coin écarté de l’église, une simple épitaphe. […] Cet article, où l’on reproche à Vico d’avoir approprié son système au goût de l’Église romaine , avait été envoyé par un Napolitain.

291. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

. — L’initiation du public à cette forme supérieure de la Rénovation Wagnérienne, est la tâche qu’a prise l’école de Richard Wagner, — j’allais dire l’église de Wagner, — l’Association Wagnérienne. […] Ce n’était plus alors Sébastien Bach, réunissant à l’église, devant l’orgue, l’auditoire des fidèles, ou bien y appelant, pour rivaliser avec lui, les connaisseurs et les musiciens : il y a un abime entre le maître prodigieux de la fugue et les compositeurs de la sonate. […] Et l’Eglise, aussi, exprimait cette Compréhension musicale : car la Religion avait été balayée de l’Eglise, avec la musique de Palestrina : le formalisme jésuitique, tout d’artifices, avait contrefait la Religion, comme la musique. […] Le cinquième serait d’atteindre à la dimension religieuse des drames wagnériens, à l’église wagnérienne. […] Beethoven retrouve la véritable religion qui avait été écrasée sous le poids de l’Eglise.

292. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

… dass heilig ich sterbe. » (Parsifal, I, 3)   L’église est haute et claire ; des groupes de priants passent vaguement ; des agenouillés prolongent des rangées indistinctes de fronts ; le confus bruissement des litanies s’atténue en silences graves. […] Et parmi les chants sont de graves silences, des solennels appels du Très-Saint dans les silences des voix humaines… des silences et des chants s’emmêlent, pieux murmures, sous les hautes arcades de l’église lumineusement élargie. […] Sous une forme contenue et voilée, il accompagne les premiers mots de Walther : « So rief der Lenz in der Wald », et « So rief es mir in der Brust » ; il souligne toute l’ardeur du poète, son désir d’Eva, de la maîtrise qui la lui donnera ; il apparaît quand le chevalier trouve l’art des maîtres nouveau et étranger pour lui ; pendant le choral, dans la mimique tendre de Walther, et quand il voit Eva s’avancer vers lui pour sortir de l’Église ; c’est lui qui proteste pendant que les maîtres accablent le héros ; lui qui s’insinue dans la pensée de Sachs, le trouble et lui fait dire plus tard à Walther : « All Dichtkunst und Poeterei ist nichts als Wahn-traumdeuterei. » Motif 3 (p. 34, 171, 264, 265, 266, 276,287, 300, 301, 315, 316, 318, 375, 379). — Les trois premières notes de ce motif sont les trois dernières du motif 2, et la seconde partie de la phrase est la répétition de la première où apparaît la note ré, trois fois répétée. […] Il apparaît avec le sourire bienheureux et timide d’Eva dans la scène de l’église ; il est l’expression hardie du désir de Walther ; c’est de lui qu’est formée la phrase « Eines zu fragen !  […] dit Eva à Walther, dans l’église.

293. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Un jour, par exemple, qu’il était allé se promener avec son fusil sur un terrain alors inhabité, derrière l’église de Notre-Dame, se proposant de tirer quelque oiseau au passage, il fut atteint dans l’acier de sa gibecière d’une balle qu’on lui lâcha de l’autre côté de la rivière ; la boucle amortit le coup. […] Décidé à devenir abbé régulier de commendataire qu’il était, bouchant ses oreilles aux clameurs et même aux conseils, il entre comme novice au monastère de Perseigne, de l’étroite observance de Cîteaux, le 13 juin 1663, et l’année suivante, le 13 juillet, il est béni abbé dans l’église de Saint-Martin à Séez. […] Port-Royal, en ces années sincères de la paix de l’Église, refleurissait et fructifiait de nouveau, avec l’abondance d’un dernier automne. […] On fit courir dans le temps divers bruits contradictoires, et quelques personnes prétendaient qu’il avait redoublé de frayeur aux approches suprêmes : « S’il a eu, comme on vous l’a dit (écrivait Bossuet à la sœur Cornuau), de grandes frayeurs des redoutables jugements de Dieu, et qu’elles l’aient suivi jusqu’à la mort, tenez, ma fille, pour certain que la constance a surnagé, ou plutôt qu’elle a fait le fond de cet état. » Peu de temps après cette mort, le même Bossuet, qu’on ne se lasse pas de citer et dont on n’a cesse de se couvrir en telle matière, posait ainsi les règles à suivre et traçait sa marche à l’historien d’alors, tel qu’il le concevait : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’ai d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard.

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