Entre tant de choses recueillies par le seizième, on voulait savoir ce qui était le bien, le vrai : on avait soif d’être persuadé. […] Soit esprit de corps, soit que le jeune feuillant n’eût été que le prête-nom de sa jalousie, il répondit à l’Apologie par des lettres qui, parmi beaucoup de critiques passionnées ou puériles, exprimaient les vrais principes et donnaient les vraies raisons du refroidissement qui suivit le premier enthousiasme pour les écrits de Balzac. […] Il répondait, directement ou par allusion, à ce qu’on avait écrit de fort injuste sur ses mœurs et sur son prétendu dessein de troubler le repos public, de trop vrai sur sa vanité, sur son peu de savoir en théologie, sur la stérilité de son imagination. […] Il est vrai qu’elle s’avoue contrainte et forcée, et qu’elle renvoie « au vieil et bon exemplaire in-folio » ceux qui préféreraient la véritable leçon. […] Du moins, Balzac eut le solide mérite d’indiquer la voie à de plus habiles ; et s’il est vrai que son édifice se soit écroulé, une partie des matériaux, employée par des mains plus heureuses, a servi à des constructions qui ne périront pas.
On reconnaît le vrai génie à ce qu’il est assez large pour vivre au-delà du réel, et assez logique pour ne jamais errer à côté du possible. […] La distinction des génies objectifs et des génies subjectifs revient à la distinction de l’imagination et de la sensibilité ; chez les uns l’imagination, domine, chez les autres la sensibilité, nous ne le nions pas ; mais nous maintenons que la caractéristique du vrai génie, c’est précisément la pénétration de l’imagination par la sensibilité, et par la sensibilité aimante, expansive, féconde ; les talents de pure imagination sont faux, la couleur ou la forme sans le sentiment est une chimère. […] Dédoublement voulu, il est vrai, mais qui peut arriver à être si complet que l’artiste devienne dupe du jeu de l’art. […] Très, souvent, chez les vrais artistes, l’existence pratique est l’extérieur, le superficiel ; c’est par l’œuvre que se traduit le mieux le caractère moral. […] Le même raisonnement est valable pour la figure de la courtisane, qu’il faut présenter tout autrement à un débauché ou à un rêveur romanesque ; cela est si vrai que parfois le type illusoire, l’idée, l’emportent sur l’expérience la plus répétée.