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1833. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Il l’a vue telle qu’elle était, tout occupée du salut du roi, de sa réforme, de son amusement décent, de l’intérieur de la famille royale, du soulagement des peuples, et faisant tout cela, il est vrai, avec plus de rectitude que d’effusion, avec plus de justesse que de grandeur ; enfin, il a résumé son jugement sur elle en des termes précis, au moment de l’accompagner dans son œuvre de tendresse et de prédilection : Mme de Maintenon, dit-il, n’a donc pas eu sur Louis XIV l’influence malfaisante que ses ennemis lui ont attribuée : elle n’eut pas de grandes vues, elle ne lui inspira pas de grandes choses : elle borna trop sa pensée et sa mission au salut de l’homme et aux affaires de religion ; l’on peut même dire qu’en beaucoup de circonstances elle rapetissa le grand roi ; mais elle ne lui donna que des conseils salutaires, désintéressés, utiles à l’État et au soulagement du peuple, et en définitive elle a fait à la France un bien réel en réformant la vie d’un homme dont les passions avaient été divinisées, en arrachant à une vieillesse licencieuse un monarque qui, selon Leibniz, « faisait seul le destin de son siècle » ; enfin en le rendant capable de soutenir, « avec un visage toujours égal et véritablement chrétien », les désastres de la fin de son règne. […] » Une haute idée, c’est que les Dames de Saint-Louis étant destinées à élever des demoiselles qui deviendront mères de famille et auront part à la bonne éducation des enfants, elles ont entre leurs mains une portion de l’avenir de la religion et de la France : « Il y a donc dans l’œuvre de Saint-Louis, si elle est bien faite et avec l’esprit d’une vraie foi et d’un véritable amour de Dieu, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » La fondatrice leur rappelle expressément qu’étant à la porte de Versailles comme elles sont, il n’y a pas de milieu pour elles à être un établissement très régulier ou très scandaleux : « Rendez vos parloirs inaccessibles à toutes visites superflues… Ne craignez point d’être un peu sauvages, mais ne soyez pas fières. » Elle leur conseille une humilité plus absolue qu’elle ne l’obtiendra : « Rejetez le nom de Dames, prenez plaisir à vous appeler les Filles de Saint-Louis. » Elle insiste particulièrement sur cette vertu d’humilité qui sera toujours le côté faible de l’institut : « Vous ne vous conserverez que par l’humilité ; il faut expier tout ce qu’il y a eu de grandeur humaine dans votre fondation. » Quoi qu’il en soit des légères imperfections dont l’institut ne sut point se garantir, il persista jusqu’à la fin dans les lignes essentielles, et on reconnaîtra que c’était quelque chose de respectable en l’auteur de Saint-Cyr que de bâtir avec constance sur ces fondements, en vue du xviiie  siècle déjà pressé de naître, et dans un temps où Bayle écrivait de Rotterdam à propos de je ne sais quel livre : On fait, tant dans ce livre que dans plusieurs autres qui nous viennent de France, une étrange peinture des femmes de Paris. […] Et ce n’était pas seulement Bayle qui écrivait ces choses, c’était Mme de Maintenon qui le disait aussi et qui reconnaissait cela pour vrai dans les conseils qu’elle donnait à une demoiselle sortie de Saint-Cyr : Ne soyez jamais sans corps (sans corset, c’est-à-dire en déshabillé), et fuyez tous les autres excès qui sont à présent ordinaires, même aux filles, comme le trop manger, le tabac, les liqueurs chaudes, le trop de vin, etc. ; nous avons assez de vrais besoins sans en imaginer encore de nouveaux si inutiles et si dangereux.

1834. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Mais la vraie oraison funèbre, la page immortelle (autant qu’une page humaine peut l’être), c’est cette lettre qu’on vient de lire, écrite dans l’effusion de la douleur par un roi qui ne veut être qu’un homme, un homme affligé, et avec des expressions non cherchées et naïves, dignes par leur tendresse de la jeune et aimable figure qui a disparu. […] Il est vrai que ce morceau me prépare bien de l’ouvrage, car je crois le Canada tout aussi policé que cette Pomérellie. […] Il est bien vrai qu’à un certain âge la tranquillité est préférable à l’action. […] [NdA] On peut voir au tome vii des Mémoires de Napoléon (édition de 1830, pages 323-324) le jugement définitif porté sur le prince Henri comme général et sur ses opérations militaires durant la guerre de Sept Ans : La campagne de Saxe du prince Henri a été beaucoup trop vantée, dit Napoléon ; la bataille de Freyberg n’est rien, parce qu’il y a remporté la victoire sur de très mauvaises troupes ; il n’y a pas déployé de vrais talents militaires… Dans cette campagne (celle de 1762) ce prince a constamment violé le principe que les camps d’une même armée doivent être placés de manière à pouvoir se soutenir… La campagne de 1761 est celle où ce prince a vraiment montré des talents supérieurs.

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