En comparaison d’eux, les Galilée, les Descartes, les Pascal, les Huyghens, et à plus forte raison un Swammerdam ou un Harvey, n’étaient que des « curieux. » Le titre même d’une comédie de Molière en témoigne : Les Femmes savantes, et les préoccupations de sa Philaminte ou de son Armande, qui sont « curieuses », il est vrai, de physique et d’astronomie, mais combien plus curieuses encore de petits vers, et des fatrasseries dont Gilles Ménage, Egidius Menagius, était le plus illustre représentant ! […] Il est vrai qu’en revanche, dans les Nouvelles de la République des lettres, de Bayle, les comptes rendus des ouvrages de mathématiques ou de physique, d’histoire naturelle ou de médecine, tiennent presque autant de place que la littérature et la philosophie. […] Cela est très vrai, mais c’est poser la thèse d’une façon dangereuse.La science a sa valeur en elle-même, etindépendamment de ses résultats avantageux. » Quelle peut bien être cette valeur ? […] Aussi bien, s’il les eût approfondis davantage, les eût-il trouvés tous entachés d’un vice primordial et irrémédiable à ses yeux, qui est, comme l’on dit, de « poser l’absolu » pour en déduire le relatif, ce qui s’appelle répondre à la question par la question ; et, en effet, ce que Comte a poursuivi sous le nom de « Métaphysique » en général, c’est précisément toute philosophie qui débute par l’affirmation de l’« absolu. » Mais au contraire la vraie « métaphysique », la bonne, la sienne ! […] Mais il est vrai que de très grandes écoles, panai lesquelles on peut citer celle de Michel-Ange en peinture, et chez nous, au théâtre, l’école de Corneille, ont fait d’une altération systématique et convenue des rapports réels des choses le principe de leur esthétique.
De cette puissante voix qui se fait entendre tout à la fois dans vos ouvrages, dans les journaux, dans les salons vous avez dit : « L’art dramatique n’est point connu en France, nos prédécesseurs n’y entendaient rien, nos pères ont eu tort de rire, ou d’éprouver de vives émotions à la représentation de leurs anciens ouvrages, il n’y a de vrai beau que la nature, moi seul je ferai connaître aux Français le vrai beau. » À ces paroles mémorables cent novateurs ont répondu par des cris de joie ; vous êtes tout à coup devenu leur prophète, leur Dieu ; vous avez parlé, ils vous ont écouté avec respect ; vous avez prêché votre loi, ils ont suivi vos préceptes ; vous avez ordonné des chefs-d’œuvre, ils ont travaillé ; enfin vous avez opéré vos miracles, et les théâtres sont tombés. […] À peine répandiez-vous avec douceur et modestie la parole divine, que les comédiens émus, enivrés des transports que vous faisiez naître parmi vos disciples, se sont prosternés devant vous et ont adoré le vrai Dieu. […] Selon moi le vrai civisme de l’auteur dramatique qui ne s’est point lancé dans la carrière de la politique est d’éclairer les hommes par une douce philosophie, de les reprendre spirituellement de leurs vices et de leurs travers, et enfin de chercher à les rendre meilleurs. […] Les théâtres, vrais thermomètres de la prospérité publique, sont tout à la fois le soutien des lettres et des beaux-arts ; en entretenant un certain luxe, ils encouragent le commerce, appellent l’or de l’étranger, amusent les oisifs, instruisent le peuple, et rendent au vieillard les charmes des illusions du jeune âge. […] Ces qualités, Monsieur, faites-les tourner tout à fait à votre avantage par le travail et une confiance sans bornes dans le vrai, dans l’honorable public.