Même, si elle s’arrête un instant, notre main impatientée ne peut s’empêcher de se mouvoir comme pour la pousser, comme pour la replacer au sein de ce mouvement dont le rythme est devenu toute notre pensée et toute notre volonté. […] Si les oeuvres de la statuaire antique expriment des émotions légères, qui les effleurent à peine comme un souffle, en revanche la pâle immobilité de la pierre donne au sentiment exprimé, au mouvement commencé, je ne sais quoi de définitif et d’éternel, où notre pensée s’absorbe et où notre volonté se perd. […] Il nous semble que la force psychique, emprisonnée dans l’âme comme les vents dans l’antre d’Éole, y attende seulement une occasion de s’élancer dehors ; la volonté surveillerait cette force, et, de temps à autre, lui ouvrirait une issue, proportionnant l’écoulement à l’effet désiré. […] Ainsi, quand le muscle droit externe de l’œil droit est paralysé, le malade essaie en vain de tourner l’œil du côté droit ; pourtant les objets lui paraissent fuir à droite, et puisque l’acte de volonté n’a produit aucun effet, il faut bien, disait Helmholtz 5, que l’effort même de la volonté se soit manifesté à la conscience. — Mais on n’a pas tenu compte, répond M. […] Chez les enfants et chez beaucoup d’adultes, l’attention vive produit une protrusion des lèvres, une espèce de moue. » Certes, il entrera toujours dans l’attention volontaire un facteur purement psychique, quand ce ne serait que l’exclusion, par la volonté, de toutes les idées étrangères à celle dont on désire s’occuper.
Une force de direction constante, qui est à l’âme ce que la pesanteur est au corps, assure la cohésion du groupe en inclinant dans un même sens les volontés individuelles. […] Nous disons qu’il y a une société humaine naturelle, vaguement préfigurée en nous, que la nature a pris soin de nous en fournir par avance le schéma, toute latitude étant laissée à notre intelligence et à notre volonté pour suivre l’indication. […] Répétons, une fois de plus, que la nature n’a rien voulu, si l’on entend par volonté une faculté de prendre des décisions particulières. […] Il n’y a pas d’obstacle que des volontés suffisamment tendues ne puissent briser, si elles s’y prennent à temps. […] Tout au plus dira-t-on, comme nous venons de le faire, que le mysticisme ne saurait se répandre sans encourager une « volonté de puissance » très particulière.