Malgré les avantages qu’on lui proposait, Geoffroy ne laissa pas d’hésiter quelque temps : cet homme dont le style est toujours si ferme, était du caractère le plus timide ; son maintien avait quelque chose de gêné, de gauche, d’embarrassé ; sa vue un peu basse donnait à sa démarche de l’incertitude et de la pesanteur ; il n’avait vécu que dans les collèges, et ce n’est pas là qu’il avait pu se façonner à l’usage du monde, à ce ton élevé, à ces petites phrases débitées d’une voix haute, à ces décisions tranchantes et laconiques, à cet air d’assurance et de contentement de soi-même, enfin à toutes ces manières qu’affectent aujourd’hui, dans nos salons, nos jugeurs de société et nos censeurs à la mode. […] Corneille s’exprime à ce sujet avec sa naïveté ordinaire : « Les deux visites que Rodrigue fait à sa maîtresse ont quelque chose qui choque la bienséance de la part de celle qui les souffre… Mais permettez-moi de dire, avec un des premiers esprits de notre siècle, que leur conversation est remplie de si beaux sentiments ; que plusieurs n’ont pas connu ce défaut, et que ceux qui l’ont connu l’ont toléré. » Ces beaux sentiments se réduisent aux transports amoureux les plus capables d’étouffer la voix de l’honneur et de la piété filiale. […] Une jeune fille ne doit demander le sang de personne : cela répugne au caractère de son sexe ; la nature ne lui a point donné une voix douce pour faire entendre des cris de mort. […] Un grand avantage de cette espèce de drame, c’est d’épargner aux spectateurs la vue de ces grimaces, de ces convulsions, de ces mouvements épileptiques auxquels un acteur a recours pour exprimer les passions violentes et les atrocités théâtrales ; on est ému, attendri, sans qu’il en coûte presque d’effets aux malheureux comédiens, qui souvent dans les autres pièces, haletants, couverts de sueur, hurlant jusqu’à extinction de voix, ne parviennent, après s’être bien épuisés, qu’à fatiguer et rebuter les auditeurs.
Le conte, genre populaire, translation écrite, tout bonnement, d’une histoire « contée », comme son nom l’indique, de vive voix. […] » Puis d’une voix plus basse : « Et que même je ne lui en parlerai pas ! […] … C’est ce même colporteur qui, sur un sommet dominant un vallon romantique — comme dans Lamartine — chante d’une voix parfaite deux des plus beaux lieder de la vieille Allemagne.