Il vivait là, il doit en convenir, beaucoup plus parmi les pierres du temps passé que parmi les hommes du temps présent. […] La voici : Reconstruire par la pensée, dans toute son ampleur et dans toute sa puissance, un de ces châteaux où les burgraves, égaux aux princes, vivaient d’une vie presque royale. Montrer dans le burg les trois choses qu’il contenait : une forteresse, un palais, une caverne ; dans ce burg, ainsi ouvert dans toute sa réalité à l’œil étonné du spectateur, installer et faire vivre ensemble et de front quatre générations, l’aïeul, le père, le fils, le petit-fils ; faire de toute cette famille comme le symbole palpitant et complet de l’expiation ; mettre sur la tête de l’aïeul le crime de Caïn, dans le cœur du père les instincts de Nemrod, dans l’âme du fils les vices de Sardanapale ; et laisser entrevoir que le petit-fils pourra bien un jour commettre le crime tout à la fois par passion comme son bisaïeul, par férocité comme son aïeul, et par corruption comme son père ; montrer l’aïeul soumis à Dieu, et le père soumis à l’aïeul ; relever le premier par le repentir et le second par la piété filiale, de sorte que l’aïeul puisse être auguste et que le père puisse être grand, tandis que les deux générations qui les suivent, amoindries par leurs vices croissants, vont s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres.
Et si, en effet, ce n’est là qu’un gentilhomme dans sa sphère véritable, s’il est habitué, depuis longtemps, à vivre ainsi au milieu des élégants mensonges de la cour, d’où lui vient cet emportement subit ? […] Et cependant l’acteur, placé entre ces deux extrêmes, redoutant également d’être trop brusque, c’est-à-dire de paraître mal élevé, ou de paraître trop facile à vivre, c’est-à-dire de rien retrancher de la rudesse et de l’indignation de son personnage, l’acteur, entre ces deux excès, reste bien empêché. […] Ingrate génération, à qui mademoiselle Mars a enseigné à parler et à se taire, à s’habiller, à saluer, à vivre, enfin ; que disons-nous, les moindres choses de la vie ordinaire, cette aimable femme les a apprises à cette génération ; elle leur a appris à entrer dans un salon, à tenir un éventail, à prendre un fauteuil, et les moindres détails de la vie élégante !