Qu’était-ce donc que cette tyrannie de vertiges, sous laquelle vécut Louis XIV et dont il se plaignait à de certains intervalles, qu’on croyait à jamais dissipée, puis qui reparaissait tout à coup, et particulièrement sous l’influence du travail et de la contention d’esprit, ou des contrariétés et des chagrins, quand arriva l’heure des chagrins et des mécomptes ? […] Fagon s’est lassé, et la plume lui est tombée des mains ; lui-même, ce médecin si probe, si exact, à ses devoirs, si attentif, il était un malade en effet ; il avait été taillé autrefois de la pierre ; il était sujet à un asthme violent, et il le fallait voir la nuit dans l’antichambre royale, sur un fauteuil, appuyé sur sa canne, ni plus ni moins que dans sa chambre à coucher ; car il ne se déshabillait jamais et ne dormait que sur son séant : « Sa santé ou plutôt sa vie, dit Fontenelle, ne se soutenait que par une extrême sobriété, par un régime presque superstitieux ; et il pouvait donner pour preuve de son habileté, qu’il vivait. » J’ai besoin d’une conclusion sérieuse, et je la réitère.
Il va jusqu’à dire que ce n’est pas seulement dans la mémoire et la conscience de l’humanité que subsiste, selon lui, l’œuvre de quiconque est digne de vivre, car il y en a, et des meilleurs, qui sont restés obscurs ; il ajoute que « c’est aux yeux de Dieu seul que l’homme est immortel. » Il peut y avoir dans tout ceci, je le sais, la part à faire à un certain langage poétique, métaphorique, dont l’écrivain distingué se prive malaisément. […] Je les vois dans mes rêves, ces cités pacifiques de Clonfert et de Lismore, où j’aurais dû vivre, pauvre Irlande, nourri du son de tes cloches, au récit de tes mystérieuses odyssées.