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416. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Car sa portée n’est pas grande ; ses illusions sont nombreuses et invincibles ; il faut toujours se défier d’elle, contrôler et corriger ses témoignages, presque partout l’aider, lui présenter les objets sous un éclairage plus vif, les grossir, fabriquer à son usage une sorte de microscope où de télescope, à tout le moins disposer les alentours de l’objet, lui donner par des oppositions le relief indispensable, ou trouver à côté de lui des indices de sa présence, indices plus visibles que lui et qui témoignent indirectement de ce qu’il est. […] Pourtant ces documents sont les seuls qui nous permettent de saisir sur le vif les nuances de l’aliénation mentale, de l’interpréter, de nous la figurer avec précision. […] Des observations minutieuses et suivies jour par jour, comme celle de la cataleptique magnétisée involontairement par le docteur Puel, seraient du plus vif intérêt5. — Deux points surtout sont importants : l’un est la prépondérance du roman intérieur, suggéré ou spontané, qui se déroule dans le patient sans répression possible et avec le même ascendant qu’auraient des perceptions vraies ; l’autre est l’abolition isolée ou l’exaltation isolée d’un sens ou d’une faculté (sensation de la douleur, du son, sens tactile et musculaire, appréciation de la durée, talent de discourir, d’écrire en vers, de dessiner, et parfois divinations de diverses sortes dont nous ne pouvons encore fixer la limite).

417. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Pourtant, dans les Nuits plus terrestres, mais aussi plus humaines, de M. de Musset, c’est du dedans que jaillit l’inspiration, la flamme qui colore, le souffle qui embaume la nature ; ou plutôt le charme consiste dans le mélange, dans l’alliance des deux sources d’impressions, c’est-à-dire d’une douleur si profonde et d’une âme si ouverte encore aux impressions vives. […] Je pose la question seulement et n’ai garde de la trancher, ni de suivre de près cette ligne légère, sensible pourtant, qui, chez les illustres les plus sûrs d’eux-mêmes, sépare déjà le mort du vif. […] Après tant d’essais et d’expériences en tous sens, après avoir tenté d’aimer tant de choses pour savoir quelle est la seule et suprême qui mérite d’être aimée, c’est-à-dire la vérité simple et à la fois revêtue de beauté, il n’est pas étonnant qu’au moment où l’on revient à celle-ci et où on la reconnaît, on se trouve en sa présence moins vif et plus lassé qu’on ne l’était en présence des idoles.

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