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692. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Quoique la main sévère et positive de Huc aime à toucher le fond des choses, à sonder l’artère, il a su la promener aussi sur les superficies, sur l’épiderme, et, s’il nous a cassé un peu notre vieille Chine de porcelaine, il nous en a, du moins, rapporté un bon morceau. […] Quant à nous, qui avons cherché dans le livre de Huc une occasion d’être juste envers un pays pour lequel nous n’avons jamais éprouvé de respect ni de sympathie, ce que nous avons trouvé de plus remarquable dans ce peuple, qui a le mouvement sans la vie, c’est l’esprit, — c’est ce genre de pensées qui ne viennent pas du cœur, par opposition avec les grandes qui en viennent et qui constituent le Génie, — c’est l’esprit comme les vieilles civilisations le comprennent, volatil, brillant, chatoyant, agaçant comme un diamant aux lumières, affilé comme un dard, passant comme une flamme, ou qui reste comme un parfum. […] L’Art chinois n’est que de l’industrie, et l’Industrie chinoise consiste dans l’emploi de vieux procédés qu’elle n’explique ni ne rajeunit.

693. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter. […] on ne pouvait pas décliner contre le dernier révélateur de l’histoire les vieilles fins de non-recevoir qu’on emploie contre les premiers, mais on lui opposait autre chose. […] Sans la rédemption, le Saint-Sépulcre, le prosélytisme de la foi et de l’amour qui brûlait dans ce vieux pilote, ayant passé déjà quarante ans de vie à la mer, et qui n’en portait pas moins le cordon de saint François autour des reins et vivait, à bord, de la contemplation séraphique autant que de la contemplation de la nature, sans le catholicisme enfin et sa grâce divine, Christophe Colomb n’aurait été qu’un rêveur de plus, parmi les marins qui rêvaient, car à son époque le vent des découvertes soufflait sur tous les fronts et agitait tous les esprits.

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