Le génie léger, mais prompt, du duc de Choiseul avait compris, comme le cardinal de Bernis, que l’Autriche n’était plus, par nature, l’ennemie mortelle de la France ; que la Prusse, alliée de haine contre nous avec l’Angleterre, et avant-garde de cet immense empire moscovite qui venait de surgir, et qui avait besoin d’une tête de pont sur l’Allemagne pour atteindre jusqu’au cœur de la France, était désormais le nœud des triples coalitions contre nous ; qu’une guerre de la France avec la Prusse serait toujours triple ; qu’une guerre avec l’Autriche pouvait être presque toujours isolée et par conséquent bien moins dangereuse à la vitalité française. […] Mais, tant que l’inspiration du cabinet consulaire vint de M. de Talleyrand, la diplomatie du Consulat fut aussi grandiose que la victoire, mais en même temps aussi modérée que la paix. […] XXIX Nous venons de voir que le système de M. de Talleyrand était la pacification de l’Europe, la réconciliation avec l’Autriche, l’armistice éternel avec l’Angleterre, les ménagements avec la Russie dans une perspective plus ou moins lointaine. […] Or la question qui venait de se poser devant les cabinets de France et d’Europe était celle-ci : En 1815, on avait reconstitué l’Europe à peu près telle qu’elle était géographiquement constituée avant 1790. […] Sa mémoire négociait encore, du fond de ce cercueil, avec tous les partis, compensant les offenses par des services, les injures par des éloges, les vengeances par des honneurs, et reconnaissant tous, au moins, ainsi par leur présence, que quelque chose de grand venait de s’évanouir des conseils de l’Europe, et que la sagesse de ce monde venait de baisser d’un grand poids !
Avec le premier frisson du matin, dans le premier éclair de l’aube blanchissante, au premier ébranlement de la cloche, au premier gazouillement de l’oiseau, cette âme vigilante venait de passer ! […] … « Il ne serait pas impossible, je le crois, dans un pèlerinage aux bords du Mincio, de deviner à très peu près (comme on vient de le faire pour la villa d’Horace) et de déterminer approximativement l’endroit où habitait Virgile. […] Son portrait par Donat, qui a servi de point de départ à celui qu’on vient de lire par M. de Chateaubriand, peut se traduire plus légèrement peut-être, et s’expliquer comme il suit, en évitant tout ce qui pourrait charger : Virgile était grand de corps, de stature (je me le figure cependant un peu mince, un peu frêle, à cause de son estomac et de sa poitrine, quoiqu’on ne le dise pas) ; il avait gardé de sa première vie et de sa longue habitude aux champs le teint brun, hâlé, un certain air de village, un premier air de gaucherie ; enfin, il y avait dans sa personne quelque chose qui rappelait l’homme qui avait été élevé à la campagne. […] « À ce que je viens de dire que Virgile était décoré de pudeur, il ne serait pas juste d’opposer comme une contradiction ce qu’on raconte d’ailleurs de certaines de ses fragilités : “Il fut recommandable dans tout l’ensemble de sa vie, a dit Servius ; il n’avait qu’un mal secret et une faiblesse, il ne savait pas résister aux tendres désirs.” […] On y verra aussi debout, en marbre de Paros, des statues où la vie respire, toute la descendance d’Assaracus, cette suite de héros venus de Jupiter, Tros le grand ancêtre, et Apollon fondateur de Troie.