Nous n’en sommes, il est vrai, qu’aux premières attitudes, car ce livre vient de paraître, ou plutôt seulement le premier volume de ce livre ; mais ce sont déjà des attitudes de dévots devant la sainte hostie, et qui se préparent à communier. […] je ne sais pas si, dans la partie de l’ouvrage qui m’est inconnue et qui est encore à venir, il y a de quoi nous faire mourir d’admiration et de plaisir ; mais ce que je sais, c’est que je viens de lire le premier volume, sur lequel ils avaient compté pour allumer la curiosité comme un incendie, et que je n’en brûle ni n’en meurs… de curiosité. […] Ce crachat guérira les aveugles Victor Hugo, l’heureux joueur à la renommée qui faisait martingale depuis vingt ans, vient de perdre la dernière partie… Il s’appelait Victor, — et ce nom lui allait bien ! […] Ces faits : la naissance de Borgia, de vieille race royale aragonaise et dont l’élévation ecclésiastique vint de ce qu’il était le neveu du vaillant pape Calixte III ; ses premières fonctions, qui furent militaires ; son mariage avec Julia Farnèse, qui mourut après quelques années ; la légitimité, contestée et prouvée incontestable, de ses enfants ; le rétablissement dans son titre pur de belle-mère de celle-là que les historiens ont appelée, sans le comprendre, du nom familier et intime de Vanozza, et dont ils ont fait la maîtresse d’Alexandre VI jusque dans ses dernières années parce que cette belle-mère, gendre respectueux, il n’avait jamais cessé de la visiter ; les longues années sous plusieurs papes qui le conservèrent chancelier de l’Église, le firent évêque et l’envoyèrent, comme légat, en Aragon, représenter le Saint-Siège ; ses mœurs si accusées, mais garanties par la considération des papes — presque tous des grands hommes — sous lesquels il vécut, et par sa popularité dans le collège des Cardinaux, où jamais une voix ne s’éleva contre lui, mais où toutes, moins deux, s’élevèrent pour lui quand il fut nommé pape : tous ces faits sont racontés ici avec un détail dans lequel nous ne pouvons entrer, mais qui confond, par sa netteté et par son poids, quand on songe à tout ce qu’on a fait de cette simple et imposante histoire ! […] C’est la trahir que d’inspirer, comme vient de le faire Hugo, de l’intérêt et de l’admiration pour ces choses scélérates et ces hommes scélérats, les hommes et les choses de la monarchie !
Tout le sérieux de la vie lui vient de notre liberté. Les sentiments que nous avons mûris, les passions que nous avons couvées, les actions que nous avons délibérées, arrêtées, exécutées, enfin ce qui vient de nous et ce qui est bien nôtre, voilà ce qui donne à la vie son allure quelquefois dramatique et généralement grave. […] Le moment est venu de tenter une déduction méthodique et complète, d’aller puiser à leur source même, dans leur principe permanent et simple, les procédés multiples et variables du théâtre comique. […] On les trouverait d’abord, mélangés à doses variables, dans les scènes que nous venons de passer en revue, et à plus forte raison dans les jeux d’enfant dont elles reproduisent le mécanisme. […] C’est pourquoi l’idée ne serait pas venue de l’exagérer, de l’ériger en système, de créer un art pour elle, si le rire n’était un plaisir et si l’humanité ne saisissait au vol la moindre occasion de le faire naître.