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797. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Patru est un nom plus qu’un auteur ; on ne le lit plus, et je ne viens pas ici conseiller de le lire ; mais de loin, et par tradition, on l’estime ; on se rappelle qu’au barreau et à l’Académie, en son temps, il a été une autorité, un oracle ; que Boileau, qui voyait si peu de maîtres en matière de langue et de goût, s’inclinait tout d’abord devant lui, qu’il a placé son nom en plus d’un vers devenu proverbe, et que, par un acte noble et délicat de reconnaissance, il l’a secouru pauvre dans sa vieillesse. […] Il ne venait guère au Palais pour y plaider, ni pour y être consulté, sinon sur les difficultés du langage, par un certain nombre d’admirateurs qui se rangeaient à son pilier. […] Cette reine savante, qui ne parut pas comprendre que le plus bel et le plus haut usage qu’on peut faire de l’esprit, c’est de bien gouverner les hommes, quand la naissance vous a mis en condition et en demeure de le faire, après avoir abdiqué le pouvoir, s’en vint amuser sa curiosité à Paris, où elle fit une entrée triomphante (8 septembre 1656). Tous les corps de l’État lui vinrent offrir leurs compliments, et l’Académie française, à laquelle, peu avant son abdication, elle avait envoyé son portrait, lui adressa une magnifique harangue par l’organe de Patru. […] Puis, cela dit, il arrive à la grande nouvelle du jour, à la visite que la reine Christine est venue faire à l’Académie, visite improvisée et qui prit l’illustre compagnie un peu au dépourvu : on n’avait été prévenu que le matin même.

798. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Mais cette différence, qui fut si considérable autrefois parmi nous, s’est affaiblie depuis longtemps ; il n’en reste plus que quelques traces qui finiront bientôt par s’effacer tout à fait ; et même on peut dire que la révolution est venue leur rendre un relief qu’elles commençaient à n’avoir plus. […] Le christianisme était venu réconcilier les mœurs et les opinions, parce que le christianisme est éminemment fondé sur la morale. […] Dans les gouvernements qui ont suivi la chute de l’empire romain, le régime féodal est venu en quelque sorte ressaisir ceux que le christianisme avait affranchis. […] Mais, je ne puis m’abstenir de l’avouer, ma confiance dans une telle hypothèse vient surtout de ce qu’il faut qu’elle soit vraie pour que la société puisse continuer de subsister : or il m’est impossible de ne pas croire, avant tout, que la société ne peut périr. […] La légitimité, dont le discrédit dans l’opinion vient uniquement de ce qu’elle est peu comprise, la légitimité est le seul asile qui reste à nos mœurs ; c’est là qu’elles doivent se réunir et se concentrer.

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