Bien de saisi comme le progrès viril de Nicolas Rostow, de ses enthousiasmes, de sa générosité timide, naïve et bravache d’adolescent, aux grosses fougues de sa jeunesse, à son tranquille établissement dans les intérêts égoïstes, les jouissances, les duretés pratiques de l’âge mûr ; s’il est un chef-d’œuvre d’ondoyante figuration psychologique, c’est l’histoire du prince Bezoukhof passant avec son fonds de bonté angoissée par toutes les débauches, les tentatives spirituelles, les distractions mondaines, le vin, l’héroïsme du sacrifice patriotique, un amour romanesque, vieillissant ainsi et réduisant à mesure ses demandes d’explication universelle, pour en venir à se contenter, non sans quelques utopies politiques, d’un simple bonheur conjugal et de quelques vagues maximes de bon vouloir. […] Déviant au préjudice de nous tous, qui ne compterons pas de sitôt un artiste si prêt d’être complet, de la description objective de la vie, impuissant à en reproduire toutes les manifestations les plus malfaisantes, comme les louables, Tolstoï a passé de la grande épopée de La Guerre et la Paix à l’œuvre plus réduite et plus fausse d’Anna Karénine, pour verser dans les petits contes moraux de ces derniers temps et pour en venir enfin aux ouvrages doctrinaires : Ma Religion et Que faire ? […] Entre le spectacle du monde et l’âme où il se réfléchissait, il venait comme une ternissure. […] Mais pour des esprits comme celui de Tolstoï, que cette vie scandalise et qui tout à coup en viennent à songer que, mauvaise et absurde, elle est courte, sans espoir de rachat, sans le temps de changer ; la pensée qu’après une soixantaine d’années de péchés et de souffrances, il viendra inévitablement pour tout homme un mystérieux moment où, misérablement, il cessera d’être sans que ce globe s’arrête de fuir dans l’espace et les jours de se suivre, est intolérablement amère. […] Cette attitude finale, cette carrière, l’œuvre que nous venons d’étudier, l’ensemble et le conflit de facultés mentales que présupposent ces débuts et ce terme sont étrangement composites.
Là-dessus, l’histoire des aveugles-nés qu’on vient d’opérer est décisive. […] Au soleil et par une belle lune, elle savait d’où venait la lumière ; rien de plus ; elle avait vécu ainsi jusqu’à quarante-trois ans. […] Par exemple, il me vient une sensation d’odeur, et là-dessus je conçois et j’affirme une rose comme située dans le voisinage de mon nez. […] Nous annonçons que tout être sentant, qui touchera ou aura touché la bille, aura ou aura eu le groupe de sensations musculaires, tactiles, visuelles que nous avons nous-mêmes ; que tout corps qui viendra ou sera venu choquer la bille perdra ou aura perdu une portion de son mouvement. […] Tantôt la personne ne sait pas d’avance de quel côté viendra le choc, et le choc vient du côté droit par exemple ; alors l’intervalle entre le choc qu’elle reçoit et le signal consécutif qu’elle donne est de vingt-sept centièmes de seconde.