Ce titre, qui devait être d’abord Poésie et Vérité, a été transformé par les éditeurs, pour des raisons d’euphonie, en Vérité et Poésie : transposition fâcheuse, qui cependant ne suffit pas à nous voiler l’intention de l’auteur. […] Telle n’est point, tant s’en faut, la raison d’être de Vérité et Poésie. […] Laquelle de ces deux opinions inconciliables sera la plus voisine de la vérité ? […] Au fond, elle est une confession, au même titre que Werther, mais en serrant de plus près l’intime vérité. […] Est-ce une frénésie, ou un sens plus relevé qui saisit, pour la première fois, la plus haute, la plus pure vérité ?
Est-ce un homme à la fois cauteleux et sincère, qui se fait illusion à lui-même jusqu’à un certain point, et qui trouve moyen de satisfaire ses passions, ses cupidités et ses avarices, à la sourdine, et sans se dire tout bas ses propres vérités ? […] Il me semble qu’on n’en est guère là, et l’on aurait chance bien plutôt de peindre avec vérité un homme résolu à tout, déterminé à faire fortune, à se conquérir un nom, un état, une influence, une considération presque, ou du moins tout ce qui en tient lieu socialement et la représente, et cela en envoyant promener sa conscience et même le respect humain, mais en osant, en voulant fortement, en s’imposant.