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695. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

On pourrait faire plus aujourd’hui, on pourrait, en quelques instants, parcourir soi-même ces différents climats intellectuels du globe, et se rendre compte par sa propre sensation des sensations différentes des races et des peuples qui vivent ou qui meurent sous les différentes latitudes de la pensée, — « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », — s’écriait le religieux Pascal lui-même en sondant cet horrible mystère des opinions et des doutes des mortels ! […] … C’est que l’espace, cet élément de grandeur et de vérité, cette optique même des idées, était entré dans une certaine proportion en nous. […] S’il n’était pas né, dans la bibliothèque d’un savant, de l’accouplement stérile de l’utopie et du chiffre, il aurait révélé à l’administration publique, au commerce et aux industries, une foule de vérités pratiques dont il était l’importateur en Europe ; mais, au lieu de couver ses vérités en plein air, il les a couvées dans l’isolement des autres idées, et cet isolement lui a faussé le jugement. […] partout où manque l’espace manque la vérité. […] XXVIII Maintenant, oublions ces faibles vers, et lisons Job ; et voyons par quel admirable circuit d’une pensée qui fait le tour du monde intellectuel le grand poète et le grand philosophe passe de la foi au doute, du doute au blasphème, du blasphème à la certitude, et du désespoir d’esprit à cette résignation raisonnée, à ce consentement de l’homme à Dieu, seule sagesse des vrais sages, seule vérité du cœur comme elle est la seule vérité de l’esprit.

696. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

La vérité vraie est que l’auteur est la nature, et que, dans la vie morale comme dans la vie physique, tout se fait et s’explique par le jeu des forces naturelles. […] Une école cependant pousse la nouvelle science physiologique des rapports du physique et du moral jusqu’à des conclusions contredisant certaines vérités de sens intime que l’analyse psychologique semblait avoir mises hors de débat. […] N’est-ce pas une vérité de conscience que nous sentons une espèce de violence faite à notre volonté dans le cas d’un entraînement passionné, tandis qu’au contraire nous nous sentons en parfaite possession de nous-mêmes et en plein exercice de notre pouvoir personnel dans le cas d’une pure délibération intellectuelle ? […] Déjà l’école des animistes avait eu l’intuition de cette vérité. […] L’espace nous manque, dans une étude de ce genre, pour développer les conséquences d’une vérité aussi capitale et aussi féconde, et pour en faire sortir toute une doctrine appelée, selon nous, à vaincre et à remplacer définitivement le matérialisme.

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