Cela est bien à nous ; nous avons du moins trouvé cela, si nous n’avons pas trouvé autre chose, et cela seul nous permettrait de dire que le progrès n’est pas un vain mot. […] On va jusqu’à prétendre qu’on en trouverait plusieurs dans le fond de sa crypte… » Est-ce assez soutenu ? […] Je trouve dans ces facéties conduites avec tant de sang-froid une véritable puissance d’invention charentonnesque. […] N’a-t-on point cette impression que l’auteur ne pouvait pas ne pas les faire, et que cependant nous ne les aurions point trouvés ?
Ce qui me désole, ce qui fait que je n’ouvre presque jamais sans ennui ni défiance les romans qui m’arrivent par paquets, c’est que je suis toujours sûr d’y trouver des parties entières que je connais d’avance, des développements qui peuvent être « de la bonne ouvrage », mais qui sont à tout le monde, qui m’écœurent parce qu’il me semble que je les aurais moi-même écrits sans effort, et que je voudrais voir réduits à l’essentiel, à des notes brèves et comme mnémotechniques… Dans une littérature aussi vieille que la nôtre, il y a nécessairement des sortes de lieux communs du roman. […] Pour le développement de l’esprit, un enseignement élémentaire suffirait… Quant à la morale féminine, Jaufre la trouvait résumée dans l’horreur du mensonge, le désir du mariage et le culte du foyer : ce qu’avaient eu sa mère et sa femme. […] Maintenant que je resonge à cette scène, je la trouve bien extraordinaire. […] Il trouve auprès d’elle l’enfant qui n’est pas de lui, un pauvre petit être chétif et malade et qui gémit doucement dans son berceau : « … Son coeur se déchira dans un sanglot de pitié. […] Et pourtant j’ai aujourd’hui cette impression qu’à aucune époque de notre littérature il ne s’est trouvé, dans les livres d’écrivains encore jeunes, tant de sérieux, d’intelligence, de sagesse, d’observation curieuse, une science déjà si avancée de la vie et des hommes, et tant de compassion, une vue si sereine et si indulgente de la destinée6.