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471. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Les fables ne sont pas le livre des jeunes gens ; ils préfèrent les illustres séducteurs, qui les trompent sur eux-mêmes, et leur persuadent qu’ils peuvent tout ce qu’ils veulent, que leur force est sans bornes et leur vie inépuisable. […] Mais si cette ardeur d’attention est trompée, qu’il est à craindre que l’esprit trop tendu ne revienne sur lui-même avec déplaisir ! […] Dans un voyage de Paris à Limoges, avec un ami de Fouquet exilé, il se trompe d’auberge, entre dans le jardin voisin ; et là, tandis qu’il lit Tite-Live sous une tonnelle, il en oublie le dîner.

472. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Au moment où j’achevais la lecture de Salammbô, — comment, me disais-je, un homme d’esprit et de talent a-t-il pu se tromper de la sorte ? […] Tantôt, entraîné par cette gageure, il brouille le peu de notions qui nous restent, il confond les âges si divers du monde qu’il prétend reconstruire, il invente ce qu’il ignorera toujours, il décrit ce qui n’a jamais pu vivre, il donne la même valeur aux conjectures plausibles et aux imaginations hasardées, il noie quelques débris de vérités dans un océan d’erreurs, et, tâchant de tromper le lecteur, il finit par se tromper lui-même ; tantôt, dans cette lutte contre un sujet qui sans cesse lui échappe, il s’emporte, il s’enivre de sa parole, de ses images, de ses héros, de ses dieux, de ses monstruosités de toute espèce, il se livre au Dévorateur et devient comme un prêtre de Moloch.

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