Elle a voulu, pour boire à table, avoir un litre, et ne boit qu’au litre, parce que cela lui rappelle son enfance, où elle allait tirer le vin au tonneau. […] Un moment elle a tiré l’œillet de sa poitrine, l’a longuement senti de ses narines ouvertes, puis me l’a passé, comme une chose qu’elle aurait presque baisée, et m’a dit : « Sentez, j’adore cette odeur. […] Cela m’était dit non par la vue de soldats, mais par ces révélations qu’on tire du fond de soi-même dans les rêves. […] Elle n’avait pas l’air de comprendre… Et puis il a tiré de sa poche, deux ou trois morceaux de sucre, qu’il a posés, à côté d’elle, sur le matelas.
» Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ». […] Quant à Massillon, pour couper court à une question qui n’en saurait être une, et à une justification à laquelle il ne faut point descendre, il suffit avec lui de redire : « Un prêtre corrompu ne l’est jamais à demi », et de passer, sans plus tarder, aux admirables fruits qu’il ne cessa de tirer de son talent et de son cœur, aux chefs-d’œuvre de son second moment : ce sont là les réfutations victorieuses et souveraines.