Pour comprendre ces apparitions extraordinaires, il faut être endurci aux miracles ; il faut s’élever au-dessus de notre âge de réflexion et de lente combinaison pour contempler les facultés humaines dans leur originalité créatrice, alors que, méprisant nos pénibles procédés, elles tiraient de leur plénitude le sublime et le divin. […] L’auteur de ce charmant petit poème qu’on appelle le Cantique des Cantiques pouvait-il se douter qu’un jour on le tirerait de la compagnie d’Anacréon et de Hafiz pour en faire un inspiré qui n’a chanté que l’amour divin ? […] Je ne puis dire tout ce que j’entrevois sur ce riche sujet, ni les trésors de psychologie qu’on pourrait tirer de l’étude de ces œuvres admirables de la nature humaine. […] Il faut en dire autant de la fin de non-recevoir que certains exégètes opposent à ce qu’ils appellent argument négatif, c’est-à-dire aux inductions que l’on tire du silence ou de l’absence des textes.
La seule conclusion pratique à tirer de cette triste vérité, c’est qu’il faut travailler à avancer l’heureux jour où tous les hommes auront place au soleil de l’intelligence et seront appelés à la vraie lumière des enfants de Dieu. […] Mais ces folies n’excitent en moi qu’un regret, c’est qu’une moitié de l’humanité soit ainsi abandonnée à sa bestialité native, et je ne comprends pas comment toute âme honnête et clairvoyante n’en tire pas immédiatement cette conséquence : de ces bêtes, faisons des hommes. […] Un hasard remet un instant au pupille l’usage de sa fortune, et, bien entendu, il fait des folies ; d’où le tuteur tire un bon argument pour qu’on lui rende le soin de son pupille ! […] Pour moi, je déclare que, quand je fais bien, je n’obéis à personne, je ne livre aucune bataille et ne remporte aucune victoire, que je fais un acte aussi indépendant et aussi spontané que celui de l’artiste qui tire du fond de son âme la beauté pour la réaliser au dehors, que je n’ai qu’à suivre avec ravissement et parfait acquiescement l’inspiration morale qui sort du fond de mon cœur.