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542. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

» — « Le bon sens ou les habitudes d’un peuple d’agriculteurs sont bien plus près des plus hautes et des plus saines notions de la politique que tout l’esprit des oisifs de nos cités, quelles que soient leurs connaissances dans les arts et les sciences physiques. » — « Les grandes propriétés sont les véritables greniers d’abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des Corps en sont le trésor. » Il ne cesse d’insister sur les inconvénients du partage égal et forcé entre les enfants, établi par la Révolution et consacré par le Code civil : « Partout, dit-il, où le droit de primogéniture, respecté dans les temps les plus anciens et des peuples les plus sages, a été aboli, il a fallu y revenir d’une manière ou d’une autre, parce qu’il n’y a pas de famille propriétaire de terres qui puisse subsister avec l’égalité absolue de partage à chaque génération, égalité de partage qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, détruit tout établissement agricole et ne produit à la fin qu’une égalité de misère. » Il trace un idéal d’ancienne famille stable et puissante, qui rappelle un âge d’or disparu : « S’il y avait, dit-il, dans les campagnes et dans chaque village une famille à qui une fortune considérable, relativement à celle de ses voisins, assurât une existence indépendante de spéculations et de salaires, et cette sorte de considération dont l’ancienneté et l’étendue de propriétés territoriales jouissent toujours auprès des habitants des campagnes ; une famille qui eût à la fois de la dignité dans son extérieur, et dans la vie privée beaucoup de modestie et de simplicité ; qui, soumise aux lois sévères de l’honneur, donna l’exemple de toutes les vertus ou de toutes les décences ; qui joignît aux dépenses nécessaires de son état et à une consommation indispensable, qui est déjà un avantage pour le peuple, cette bienfaisance journalière, qui, dans les campagnes, est une nécessité, si elle n’est pas une vertu ; une famille enfin qui fût uniquement occupée des devoirs de la vie publique ou exclusivement disponible pour le service de l’État, pense-t-on qu’il ne résultât pas de grands avantages, pour la morale et le bien-être des peuples, de cette institution, qui, sous une forme ou sous une autre, a longtemps existé en Europe, maintenue par les mœurs, et à qui il n’a manqué que d’être réglée par des lois ?  […] Les populations s’accroissaient lentement ; les enfants, à la mort d’un père, n’allaient pas, comme aujourd’hui, démantibuler sa ferme pour en partager les terres entre eux ; au contraire, ils la renforçaient ; les cadets se servaient des forces acquises pour défricher, à leur profit, les landes voisines. […] Léopold Delisle pour l’état des terres et le rapport des classes en Normandie ; il aurait pu citer également, en portant son regard à l’autre extrémité du royaume et vers le Midi, M.  […] Que d’autres en félicitent l’ordre actuel et y voient un puissant motif d’encouragement et un stimulant plus prompt pour l’ambition de tout homme nouveau et de tout prolétaire qui aspire à s’élever et à devenir créateur à son tour : lui, il ne peut voir dans cette incessante mobilité qu’une cause d’affaiblissement pour les mœurs, pour la fécondité des mariages, pour les bonnes traditions domestiques, pour la meilleure culture des terres, pour l’exercice des influences bienfaisantes.

543. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Il n’a point d’idée préconçue ; il ne se croit pas obligé de se cantonner dans un coin de la terre de Chanaan et de prendre pour belvédère la terrasse et la plate-forme étroite d’un petit peuple : il regarde droit en face et remonte d’abord au berceau manifeste de notre civilisation, à la source commune des races et des religions, à ce point central de l’Asie d’où elles découlent. […] Zeller en résume ainsi les préceptes, qui tiennent à la fois de la culture ou de l’hygiène locale et de la morale universelle : « Entretenir avec un soin religieux le feu, chose sacrée, dans le temple et au foyer domestique ; respecter l’eau qui coule et qu’on ne doit jamais souiller par un contact impur, surtout celui d’un cadavre ; couvrir, purifier, embellir la terre en multipliant, par le travail et les arrosages, la moisson jaunissante, la forêt qui tamise les rayons du soleil, et les arbres qui portent les doux fruits ; élever, nourrir les animaux nobles et faire une guerre sans relâche aux impurs, voilà comme le sectateur de Zoroastre combat le mal physique dans la nature. […] « Cette disposition particulière, tout en divisant à l’infini le sol de la Grèce, rapproche presque à chaque pas la terre de la mer, les sommets les plus élevés des golfes les plus profonds, et étage, pour ainsi dire, tous les climats les uns au-dessus des autres. […] « Tel est le pays que les premiers rameaux de la race de Japhet (indo-européenne), partis d’Asie, ont peuplé, soit en descendant par terre l’escalier du Pinde, soit en arrivant par mer d’île en île ; c’est la patrie qu’ils ont choisie. » C’est ainsi que la science renouvelle, en le fixant et le précisant, ce que l’imagination, la poésie et la peinture avaient si souvent touché.

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