Nous sommes d’ailleurs ici naturellement prestidigitateurs, parce que le problème dont il s’agit, étant le problème psychophysiologique des rapports du cerveau et de la pensée, nous suggère par sa position même, les deux points de vue du réalisme et de l’idéalisme, le terme « cerveau » nous faisant songer à une chose et le terme « pensée » à de la représentation. […] Ils ne seront soumis qu’à une seule condition commune, celle d’entrer dans le même cadre moteur : en cela consistera leur « ressemblance », terme vague dans les théories courantes de l’association, et qui acquiert un sens précis quand on le définit par l’identité des articulations motrices. […] A vrai dire, les termes qui s’influencent réciproquement — de quelque nom qu’on les appelle, atomes, points matériels, centres de forces, etc. — ne sont à ses yeux que des termes provisoires ; c’est l’influence réciproque ou interaction qui est pour elle la réalité définitive. […] Ou encore, plus simplement : Une relation entre deux termes équivaut à l’un d’eux. […] Réaliste au moment où il pose le réel, il devient idéaliste dès qu’il en affirme quelque chose, la notation réaliste ne pouvant plus guère consister, dans les explications de détail, qu’à inscrire sous chaque terme de la notation idéaliste un indice qui en marque le caractère provisoire.
L’oreille, l’œil, trouvent leur plaisir dans le rapport harmonique de deux sons ou de deux couleurs ; mais ici c’est pour ainsi dire le plus haut degré de consonance que l’âme puisse percevoir, car en même temps toutes ses puissances sont en jeu : l’imagination, les sens sont séduits, satisfaits par un des termes de la comparaison ; la raison spéculative ou le sens du beau moral, par l’autre ; et ce double plaisir est encore surpassé par celui qui naît simultanément du rapport entre les deux termes, c’est-à-dire de la similitude même. […] On voit que Racine développe avec autant de soin le premier terme de la comparaison que l’image, et on peut remarquer aussi que c’est en termes abstraits qu’il développe cette idée abstraite. […] Plus tard, les progrès des arts et les découvertes des sciences naturelles amenèrent le style technique ; Thomas et d’autres imaginèrent de transporter les termes abstraits de la science dans la littérature et dans la poésie. […] Dans l’un et l’autre cas, il ne fait qu’abstraire et comparer, c’est-à-dire substituer le rapport de deux termes au rapport identique de deux autres termes. […] Le poète rend l’abstrait par le sensible, le géomètre le sensible par l’abstrait ; mais tous deux ne font que substituer des rapports à d’autres rapports, ou plutôt reproduire sous des termes différents des rapports identiques.