Vers le même temps, le jeune Béranger versait des larmes au chant de la Marseillaise, ou en entendant le canon des remparts célébrer la reprise de Toulon. […] Ce fut le temps où il se mêla de plus près à toutes les classes et à toutes les conditions de la vie, où il apprit à se sentir vraiment du peuple, à s’y confirmer et à contracter avec lui alliance éternelle ; ce fut le temps où, dépouillant sans retour le factice et le convenu de la société, il imposa à ses besoins des limites étroites qu’ils n’ont plus franchies, trouvant moyen d’y laisser place pour les naïves jouissances. […] Gardant toutes ses pensées et son travail intellectuel, il ne donnait que son temps et sa main, comme Jean-Jacques quand il copiait de la musique. […] Il avait de tout temps fait la chanson par amusement, avec une facilité, dit-il, qu’il n’a plus retrouvée depuis, en d’autres termes, selon moi, avec une négligence qu’il ne s’est plus permise. […] Vainqueur à temps de l’Europe enhardie, Le Consulat réparait l’incendie.
En six ans (1718-1724), il va se faire reconnaître comme le plus grand poète tragique du temps, comme le seul poète épique de la France. […] Nous avons un témoin de l’existence qu’on menait à Cirey : cette « caillette » de Mme de Graffigny, une femme de lettres assez malchanceuse, y séjourna quelque temps en 1738. […] Il a chez lui un théâtre où il essaie ses pièces : c’est là qu’il découvre Lekain, le grand tragédien du temps. […] Il y eut ainsi pendant quelque temps entre le roi et Voltaire une sourde guerre de mots aigres, toujours colportés et envenimés par des amis communs. […] Ô l’heureux temps que ce siècle de fer !