Aujourd’hui donc, nous sommes dans un temps propice, ce semble, pour relire ces Mémoires et en tirer quelques leçons, si jamais les leçons de ce genre peuvent servir. […] En ce qui est de Retz, il y a malheureusement beaucoup de raisons d’induire que chez lui l’aventurier, l’audacieux, le téméraire, comme disait Richelieu, faisaient la partie la plus essentielle et le fond même de sa nature, et qu’ils eussent de tout temps compromis l’homme d’État dont il n’embrassait l’idée que par l’esprit. […] Quand l’œuvre n’était qu’à moitié chemin et faite seulement d’un côté, comme du temps de Retz, au lendemain de la mort de Richelieu, cet envahissement sans contrôle du pouvoir royal et ministériel était bien du despotisme s’il en fut, et il n’y a rien d’étonnant si, dans l’intervalle de répit qui s’écoula entre Richelieu et Louis XIV, la pensée vint de s’y opposer et d’élever une digue par une sorte de constitution. […] Avec tout personnage historique, il faut s’attaquer d’abord aux grands côtés ; je ne sais si j’aurai le temps de marquer chez Retz toutes les faiblesses, toutes les infirmités, toutes les hontes même, et de les flétrir ; mais je me reprocherais de n’avoir pas dès l’abord désigné en lui les signes manifestes de supériorité et de force, qui enlèvent l’admiration quand on l’approche, et quoi qu’on en ait. […] Il est même à croire, comme il nous l’a très bien expliqué, que, dans un temps paisible, sa réputation d’archevêque aurait eu beaucoup plus à souffrir, car il aurait eu peine à dissimuler longtemps ses vices et ses désordres, au lieu qu’ils se perdaient dans la confusion inévitable d’une guerre civile.
Lasserre, est l’œuvre d’un seul, mais que je n’hésite pas à ranger parmi les esprits supérieurs de ce temps, qui en a si peu. […] C’est l’homme, en effet, que Hello étudie et scrute devant nous ; non pas l’homme d’un temps, mais de tous les temps : l’homme tombé et racheté, l’homme d’avant la Croix et d’après la Croix, — cette Croix qui partage en deux l’histoire du monde ! […] Où était le temps où Voragine faisait les délices émues de plusieurs siècles ? […] L’auteur de la Physionomie de Saints a la simplicité charmante des temps naïfs et la profondeur psychologique des vieux temps. […] Mais le temps est venu, enfin, d’ôter les Saints des mains des cuistres, et de les restituer au génie à qui ils appartiennent, de par leur incomparable beauté.