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360. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Allons, nous voilà dans les mains un outil d’immortalisation pour ce que nous aimons, pour le xviiie  siècle, et nous roulons projets sur projets de livres à figures, popularisant par l’estampe les hommes et les choses de ce temps : d’abord une série sur les artistes par fascicules et dont la première livraison, Les Saint-Aubin, s’imprime dans ce moment chez Perrin de Lyon ; puis un Paris au xviiie  siècle, donnant les tableaux et les dessins inédits ; enfin les personnages célèbres peints au pastel par La Tour, les masques et les têtes reproduites dans leur grandeur nature. […] * * * — Si j’étais tout à fait riche, j’aurais aimé à faire une collection de toutes les saletés des gens célèbres sans talent, payant au poids de l’or le plus mauvais tableau, la plus mauvaise statue de celui-ci et de celui-là. […] Dans le bas du tableau, un négrillon du Véronèse tend une corbeille de fleurs à celle que le Régent appelait mon petit corbeau noir, à la frêle jeune femme aux nerfs d’acier pour le plaisir et l’orgie. […] Tableaux de famille, attendrissement de la nature, libertés d’un conte plaisant et en tout le même ton ému et polissonnant. […] Que de tableaux !

361. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Dans un retour triste sur mon frère, je ne peux m’empêcher de dire à Lafontaine, rencontré dans un corridor : « Ce n’est pas le public d’Henriette Maréchal. » Tout est accepté, claqué, et seuls, au dernier tableau, deux ou trois coups de sifflet, timides, peureux : c’est toute la protestation dans l’enthousiasme général. […] Et comme il aurait été amusant, au nom de Raphaël, à propos de tel tableau qu’on admire, d’indiquer ce que les restaurateurs ont laissé juste de peinture, même de dessin du maître, mais c’était un travail immense de recherches, de courses, de conversations avec les gens techniques, et il ne fallait ni erreurs, ni exagérations. […] On a très sérieusement tâté un peintre chargé de peindre un épisode de la vie de la Vierge, pour tâcher d’obtenir de lui, qu’il n’introduisît pas la Vierge dans son tableau. […] Au fond dans les tableaux hippiques, il y a une convention pour le galop… On fait tous les chevaux galopants maintenant, à l’image de Pégase, les quatre pieds dans l’air, et le dévorant… et jamais le galop, à moins d’un éloignement infini, ne se présente ainsi… Enfin c’est la mode moderne… Le curieux, tu connais les bas-reliefs du Parthénon, eh bien, je les ai étudiés à fond, c’est extraordinairement juste… bien plus juste que tous les Horace Vernet du monde… Il y a là dedans une volte d’un cheval sur ses pieds de derrière… c’est d’une rouerie… Oui, dans ces bas-reliefs, c’est tout le contraire, du galop contemporain… toujours les deux jambes de derrière sont ramassées sous l’arrière-train… pourquoi cela ? […] Jeudi 20 novembre Vierge, ce merveilleux dessinateur : un grand être chevelu, qui a quelque chose d’un Saint-Christophe dans un tableau du quinzième siècle, avec un rire de figure de cire, dans un visage inexpressif.

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