Après Villehardouin, qui demeure comme le premier monument à l’horizon, on a, même dans ces vieux siècles, une succession d’admirables tableaux d’histoire tracés par des témoins et des contemporains, Froissart, Commynes, et d’autres après eux. […] L’une de ces scènes sera le tableau qu’il trace de la Cour au moment de la mort de Monseigneur, fils de Louis XIV. […] C’est ici que commence chez Saint-Simon un tableau qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer de la sagacité d’observation et du génie d’expression en matière humaine. […] À une certaine heure de la nuit, et la nouvelle positive de la mort s’étant répandue, nous assistons par lui, dans cette grande galerie de Versailles, à un immense tableau dont la confusion apparente laisse apercevoir pourtant une sorte de composition, que je ne ferai qu’indiquer. […] Le groupe est jeté : vous voyez le tableau.
Il est dans ces pages intitulées : Tableaux de la Révolution, journal politique national, où, sous la plume de Rivarol, le Journalisme est monté à la hauteur de l’Histoire, et, depuis un siècle tout à l’heure, n’est pas redescendu de cette hauteur… Et je ne crois pas qu’il en redescende !… Le temps a passé depuis ces « Tableaux de la Révolution » qui en peignirent si bien l’affreuse aurore, et qui allumèrent contre elle l’imagination du grand Burke, un des hommes qui l’ont le plus haïe et méprisée, et ces « Tableaux », qui n’ont pas perdu une nuance de leur horrible fraîcheur première, sont restés de l’histoire, — de la définitive, ineffaçable et incorruptible histoire, — quand tout est fini des exaltations et des passions contemporaines d’un journalisme qui n’est plus ! […] Mais, pour ma part, j’ai peine à croire que le perçant historien des Tableaux de la Révolution, qui ne s’était jamais trompé sur personne dans son histoire, ni sur le Roi, ni sur la Reine, ni sur Necker, ni sur Lafayette, ni sur Mirabeau, ait été ici la dupe de quelqu’un et n’ait pas pénétré de son regard l’impuissance radicale des intrigues dans lesquelles, en émigration, le royalisme s’agitait, Rivarol y mourut au milieu des tronçons dispersés de ces intrigues, qui ne se rejoignirent jamais. […] Il y a telles phrases de l’auteur des Tableaux de la Révolution qu’on pourrait recueillir, et qui sont comme des pierres d’attente de l’édifice que de Maistre et Bonald s’étaient chargés de rebâtir… Il est certainement de leur famille, comme le Fils Prodigue est le fils de son père… Il n’a ni la pureté de la vie ni la rectitude absolue d’entendement de ces deux grands esprits ; mais il est bâti sur le même axe, et la force de son esprit historique le sauve toujours des chimériques sottises de la philosophie… C’est par le sens de la politique et de l’histoire qu’il rejoignait la vérité chrétienne. […] L’écrivain est surtout dans les Tableaux de la Révolution.