A seize ans, elle fit des siennes et prit son essor : « elle quitta la maison paternelle et suivit une compagnie de soldats qui passait par Lyon, allant rejoindre l’armée française que François 1er envoyait en Roussillon, sous le commandement du Dauphin, pour mettre le siège devant Perpignan. […] quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue. […] La Boétie, dans sa première et sa plus verte jeunesse, tout échauffé d’une belle et noble ardeur, et voulant avertir celui qui le lira qu’il n’emprunte à personne, ni à Pétrarque, ni à Properce ni à d’autres, l’expression de ses soupirs, s’écriait de la sorte, avec plus de vigueur et d’âme que d’harmonie : Toi qui oys mes soupirs, ne me sois rigoureux Si mes larmes à part toutes miennes je verse, Si mon amour ne suit en sa douleur diverse Du Florentin transi les regrets langoureux, Ni de Catulle aussi, le folâtre amoureux, Qui le cœur de sa dame en chatouillant lui perce, Ni le savant amour du migrégeois64 Properce : Ils n’aiment pas pour moi, je n’aime pas pour eux.
C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet. […] — Il fallait, pour y aller, passer sur une planche assez longue, très étroite et qui ployait étrangement par le milieu ; — un vrai pont pour des chèvres, et qui en effet ne servait guère qu’à elles : — c’était délicieux. — Un gazon court et fourni, où le souviens-toi de moi ouvrait en clignotant ses jolies petites prunelles bleues… » Suit une description détaillée, minutieuse, comme l’auteur sait les faire, — et d’Albert, en effet, nous est donné lui-même comme un peu auteur, bien qu’inédit, — et il ajoute : « Que nous étions bien faits pour être les figures de ce paysage ! […] Toujours, au milieu du festin, au sein de l’ivresse, et quand le poète enflammé exhalera l’ardeur de ses chants entre les bras de Théone ou de Cinthie, la Mort se lèvera tout à coup et apparaîtra devant ses yeux, non la Mort des anciens dont l’idée ne faisait qu’aiguiser plutôt et raviver le sentiment du plaisir, mais la Mort de la Danse macabre, avec son ricanement féroce, et qui vous met et vous laisse au cœur une certaine petite crainte a l’Hamlet que la nuit funèbre ne soit pas le long sommeil, mais le rêve, et que tout ne soit pas fini après la vie : La mort ne serait plus le remède suprême ; L’homme, contre le sort, dans la tombe elle-même N’aurait pas de recours, Et l’on ne pourrait plus se consoler de vivre, Par l’espoir tant fêté du calme qui doit suivre L’orage de nos jours !