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2140. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

* *   * On est d’accord, et j’ai vu que ces idées ont pénétré jusque dans certains entendements réputés durs de la rue d’Ulm, à ne plus considérer le romantisme comme un bloc, mais à y admettre, à la suite des critiques écrivains, quatre bans, dont le premier serait celui de Chateaubriand, le second d’Hugo, Vigny, Lamartine, le troisième de Gautier, etc… le quatrième de Baudelaire, Banville, etc… plus un supplément, le Parnasse2. […] Il n’en fut que quelques conversations, mais je garderai toujours le bon souvenir de l’accueil du pauvre grand poète, dompté par la métrique parnassienne, génial et sans métier, dans ce salon carrelé noir et blanc de la rue de l’Odéon, avec une petite table couverte d’un immense tapis de velours rouge, des livres empilés dans les coins, des fragments d’appareils pour sa photographie des couleurs, dispersés sur la cheminée et sur des chaises, et où je compris que Charles Cros était vraiment un grand homme et supérieur à la vie, c’est que lorsqu’il voulut le même jour, me donner un exemplaire de son Coffret de Santal, il fallut pour le trouver, déranger des bibliothèques, des musées, des estampes, des vêtements, des enfants, des jouets, des tables à ouvrage pour dénicher enfin, à la suite d’une chasse qui seyait admirablement à son air de trappeur, le précieux petit bouquin ; quant à nos projets communs, nous en recausâmes, mais la vie est si courte. […] Certes non ; s’il est avéré pour nous que l’auteur de l’An 2000 n’est qu’un vulgarisateur, et si nous lui savons peu de gré d’avoir groupé, sous forme romanesque, tant de petites utopies d’organisation, éparses dans les livres^ théoriques, nous admettons qu’un penseur puisse donner, sans transition obligée, de suite, la forme littéraire du poème ou du roman, à ses idées sur le développement du monde encore que nous attendions davantage de sa recherche de belles phrases, de nobles mouvements, et de la peinture d’intéressants états de son cerveau, et de généreuses et altruistes méditations, que des formules et des éléments tout préparés d’un projet de loi.

2141. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Ce qui chagrine encore l’homme qui a conçu le goût des grandes choses, & (ce qui en est la suite) le goût des grands caractères, c’est de voir jeter du ridicule sur une vertu qui tend à éclairer les hommes ; c’est d’entendre une Epigramme maligne balancer un succès universel ; le dénigrement dédaigneux du sot(5) paroitre à côté de la trompette éclattante de la renommée, & la nullité ôser quelques-fois, avec une espèce de succès, insulter au génie. […] D’après cette fausse idée moderne, le livre de Lebrun des passions contiendroit une suite des plus justes portraits moraux, & les caractères de Théophraste devroient sur la scène réussir bien supérieurement à ceux de Térence.

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