Mais, ainsi que nous l’avons déjà montré, la France n’a plus besoin d’aller chercher des exemples hors de chez elle ; ses jeunes poètes, nourris des souvenirs de son passé, enrichis des trésors littéraires de ses voisins, et tout palpitants encore des événements extraordinaires qui ont remué le monde autour d’eux, ne se laisseront point intimider par tant d’obstacles, et la monarchie constitutionnelle aura son beau siècle comme la monarchie absolue. […] Au moins les traducteurs nous donneront-ils ce que nous n’avions pas encore, ce n’est point parce qu’un auteur prend un sujet nouveau qu’il fait une tragédie neuve ; si les caractères, les situations et le style n’en sont point innovés, s’il a mis à contribution vingt ouvrages nationaux pour composer le sien ; si la mémoire des spectateurs retrouve à tout moment Mithridate ou Alzire sous des habits et des noms supposés, si, presqu’à chaque vers on se souvient du vers suivant, en croyant le deviner, certes, une telle œuvre ne peut point raisonnablement passer pour une œuvre d’imagination. […] Espérons que le Théâtre-Français se souviendra enfin que ses cartons renferment une belle tragédie d’un poète trop tôt pleuré, et que le public l’attend.
Le xvie siècle était pour Mézeray ce que le xviiie a été pour nous : il en sortait, il en était nourri, il en savait les traditions, le langage ; il en avait ouï raconter les derniers grands événements à des vieillards ; les souvenirs et l’esprit lui en venaient de tous les côtés ; nul n’était plus propre que lui à en retracer une histoire entière, et c’est ce qu’il a fait pendant l’étendue d’un in-folio et demi. […] Dans sa dernière maladie, Mézeray, qui n’obéissait en rien au respect humain ni à l’esprit de système, fit amende honorable devant témoins sur les points capitaux de la croyance : « Oubliez, dit-il, ce que j’ai pu autrefois vous dire de contraire, et souvenez-vous que Mézeray mourant est plus croyable que n’était Mézeray en vie. » Il mourut le 10 juillet 1683, laissant un testament qu’on a publié et qui prête aux commentaires.