Rien de plus vrai ni de mieux soutenu que les caracteres.
La pensée de Bernis incline toujours vers la paix ; le retour de Choiseul en France et son entrée au cabinet doivent être marqués ou pour conclure cette paix, si on en trouve le moyen, ou pour soutenir plus énergiquement la guerre, si cette seule voie est ouverte. […] « Il n’y a qu’un ministre nouveau qui puisse prendre de nouveaux engagements. — Le duc de Choiseul est le seul qui puisse soutenir le système du roi ou le dénouer. » Telle est l’idée juste de Bernis ; mais, en tant qu’il se l’appliquait personnellement et qu’il la retournait contre lui-même, cette idée lui devenait un remords poignant et insupportable, et c’est ce qui explique ce mot de déshonneur qui revient si souvent sous sa plume : Souvenez-vous, écrit-il à Mme de Pompadour (dans la soirée du 26 septembre), qu’il est impossible que ce soit moi qui sois chargé de rompre les traités que j’ai faits. […] Avec cela, il continua d’y mêler sa chimère, laquelle consistait à rester dans le Conseil après avoir résigné son portefeuille à M. de Choiseul, à chercher à compléter le nouveau ministre et à se laisser compléter par lui : « Il peut se concerter avec moi, j’ai des choses qu’il n’a pas, il en a qui me manquent : tout cela ensemble ne peut produire qu’un bon effet. » Louis XV mécontent ne répondit pas sur cet article : il consentit à la démission de Bernis en faveur de M. de Choiseul par une lettre datée de Versailles (9 octobre 1758), qui commence ainsi : « Je suis fâché, monsieur l’abbé-comte, que les affaires dont je vous charge affectent votre santé au point de ne pouvoir plus soutenir le poids du travail… » Il y marquait nettement son système personnel en ces mots : « Je consens à regret que vous remettiez les Affaires étrangères entre les mains du duc de Choiseul, que je pense être le seul en ce moment qui y soit propre, ne voulant absolument pas changer le système que j’ai adopté, ni même qu’on m’en parle. » Choiseul n’avait plus qu’à arriver de Vienne.