Le sort les a séparées, qu’importe ! […] Il sait que le drame, sans sortir des limites impartiales de l’art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine.
Il était de Castille et avait nom Rodrigue, — Rodrigue Diaz de Bivar ; on l’avait surnommé le Campéador ou l’homme des combats singuliers, celui qui sortait volontiers des rangs pour défier le plus brave des ennemis à se mesurer avec lui : il avait d’abord, et dès sa jeunesse, acquis ce surnom dans une guerre que don Sanche de Castille avait faite à son cousin don Sanche de Navarre. […] La naissance de Rodrigue était honorable, et il sortait d’une ancienne famille castillane fort considérée ; un de ses ancêtres, Laïn Calvo, avait autrefois reçu de ses concitoyens une haute mission de confiance, étant l’un des deux juges que les Castillans avaient chargés, en 924, de terminer leurs différends à l’amiable. […] Le comte sort à la tête de cent chevaliers gentilshommes et se met à défier Diègue, fils de Laïn Calvo : « Laissez mes lavandières, fils de l’alcade citadin… » Il paraît que Diègue était d’une origine immédiatement bourgeoise ou citadine, quoiqu’il prétendît à une descendance royale éloignée. […] Le comte tué, et ses deux fils faits prisonniers par Rodrigue, les trois filles du comte qui sont encore à marier, l’aînée Elvire Gomez, la cadette Aldonsa, et la plus jeune Chimène, revêtent des vêtements de deuil, sortent de Gormaz et viennent à Bivar en suppliantes : « Don Diègue les vit venir, et il sort à leur rencontre. « D’où sont ces nonnains qui me viennent demander quelque chose ?