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35. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

On n’en sortait pas même une première fois sans avoir été touché à un endroit singulier de l’esprit et du cœur, qui faisait qu’on était flatté et surtout reconnaissant. […] Après le dîner, Mme Récamier sortit et voulut voir Fouché, qui refusa de la recevoir, « de peur d’être touché, disait-il, et dans une affaire d’État ». […] Henri de Laval se rencontrait souvent chez elle avec le duc de Laval son père ; il tenait bon et ne sortait pas, ce dont le bon duc enrageait, et, comme il avait de l’esprit, il écrivait à Mme Récamier le plus agréablement du monde : « Mon fils lui-même est épris de vous, vous savez si je le suis ; c’est au reste le sort des Montmorency : Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. […] Mais ce n’avaient été là que des rencontres, et la liaison véritable ne se noua que tard, dans le temps où M. de Chateaubriand sortit du ministère, et à l’Abbaye-aux-Bois. […] C’est ainsi qu’une femme, sans sortir de sa sphère, fait œuvre de civilisation au plus haut degré, et qu’Eurydice remplit à sa manière le rôle d’Orphée.

36. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Sa vue déchire et l’on croit être près d’entendre des cris sortir de cette bouche ouverte par une convulsion de souffrance morale. […] Il y a des temps où l’on ne peut plus soulever un brin d’herbe sans en faire sortir un serpent… « Restons nous-mêmes à travers tout. […] Si malheureux que nous soyons ici, nous sortons de nous-mêmes, ne fût-ce que pour appeler au secours le souvenir de l’ami préféré. […] N’est-ce donc en effet que de la vraie misère que sortent ces accents inoubliables ? » Cette rigueur trop prolongée du sort n’est pas moins funeste aux âmes que le trop de mollesse : elle finit par mordre sur elles et les altérer.

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