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1067. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Le glorieux amiral de Tourville se confondait en déférences devant un jeune duc qui sortait du collège. […] Le roi confère gravement, longuement, comme d’une affaire d’État, du rang des bâtards ; et pour établir ce rang, voici ce qu’on imagine : « Il faut donner à M. le duc du Maine « le bonnet comme aux princes du sang qui depuis longtemps ne l’est plus aux pairs, mais lui faire prêter le même serment des pairs, sans aucune différence de la forme ni du cérémonial, pour en laisser une entière à l’avantage des princes du sang qui n’en prêtent point ; et pareillement le faire entrer et sortir de séance tout comme les pairs, au lieu que les princes du sang traversent le parquet ; l’appeler par son nom comme les autres pairs, en lui demandant son avis, mais avec le bonnet à la main un peu moins baissé que pour les princes du sang qui ne sont que regardés sans être nommés ; enfin le faire recevoir et conduire en carrosse par un seul huissier à chaque fois qu’il viendra au Parlement, à la différence des princes du sang qui le sont par deux, et des pairs dont aucun n’est reçu par un huissier au carrosse que le jour de sa réception, et qui, sortant de la séance deux à deux, sont conduits par un huissier jusqu’à la sortie de la grande salle seulement. » N’allons pas plus loin : de 1689, on aperçoit 1789. […] Saint-Simon fut élevé dans ces enseignements ; ses premières opinions furent contraires aux opinions utiles et courantes ; le mécontentement était un de ses héritages ; il sortit frondeur de chez lui. […] Cela en vint au point qu’un jour, au sortir d’un conseil où, après l’avoir forcé de rapporter une affaire que je savais qu’il affectionnait, et sur laquelle je l’entrepris sans mesure et le fis tondre, je lui dictais l’arrêt tout de suite, et le lisais après qu’il l’eut écrit, en lui montrant avec hauteur et dérision ma défiance et à tout le conseil ; il se leva, jeta son tabouret à dix pas, et lui qui en place n’avait osé répondre un seul mot que de l’affaire même avec l’air le plus embarrassé et le plus respectueux : Mort… dit-il, “il n’y a plus moyen d’y durer ! […] Le duc de Béthune bavardait des misères, et le duc d’Estrées grommelait en grimaçant sans qu’il en sortît rien. » Ailleurs, les mots entassés et l’harmonie imitative impriment dans le lecteur la sensation du personnage.

1068. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 502

A peine son nom est-il aujourd’hui connu du commun des Littérateurs ; on a oublié du moins qu’il a été un des beaux esprits du siecle dernier ; cependant ses Ouvrages offrent plus de talent, une Littérature plus étendue que les Productions d’un grand nombre d’Ecrivains qui brillent dans celui-ci & sont destinés au même sort.

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