… » A un endroit précédent, à l’occasion d’un projet de translation de l’Assemblée hors de Versailles, avant les 5 et 6 octobre, projet très avancé, mais auquel Louis xvi trouvait une sorte de honte à se soumettre, sans y substituer pourtant rien de mieux, Malouet, parlant de cette incapacité foncière de Louis xvi à prendre un parti, disait : « Il y a tel capitaine de grenadiers qui l’eût sauvé, lui et l’État, s’il l’avait laissé faire. » Oui, mais ce salut n’eût été que pour l’instant même ; il eût fallu recommencer le lendemain et tous les jours. […] Après avoir traversé toutes sortes de périls, il put se rendre à Gennevilliers, chez Mme Coutard, une femme de ses amies. […] Les principaux propriétaires de Saint-Domingue, le voyant si bien accueilli de plusieurs membres du Cabinet anglais, lui confièrent leurs intérêts et lui donnèrent leurs pleins pouvoirs « pour solliciter auprès du Gouvernement anglais des moyens de protection contre l’insurrection des nègres, qui était notoirement suscitée par la Convention. » Le point délicat à traiter dans cette affaire, c’était, tout en demandant et en acceptant l’appui de l’Angleterre, de ne pas abjurer sa qualité de Français et de ne pas prétendre disposer de la souveraineté de l’île : il s’agissait donc de constituer une sorte de séquestre provisoire de la colonie sous la garde du Gouvernement anglais, en réservant la question de droit et de souveraineté jusqu’au prochain traité de paix qui interviendrait entre les deux nations. […] l’évêque d’Arras, M. de Gonzié, un des émigrés les plus entêtés et les plus intraitables, s’était arrogé de son autorité privée une sorte de droit de contrôle sur la petite colonie française, et la secrétairerie d’État à Londres n’accordait de passeport aux émigrés qui en demandaient pour rentrer en France que sur la demande de ce prélat aussi ambitieux que vain et qui, ayant toute sa vie aspiré au ministère, se donnait ainsi la satisfaction de paraître une espèce de ministre in partibus des princes français. […] Peut-être enfin n’était-il pas sans utilité pour la morale de remarquer qu’en soufflant dans cette occasion une sorte de flétrissure publique pour une production qui n’était pas de lui, Raynal avait en quelque sorte été puni d’avoir usurpé seul la gloire d’un grand ouvrage où il avait eu tant de collaborateurs. » 99.
1839 De loin la littérature d’une époque se dessine aux yeux en masse comme une chose simple ; de près elle se déroule successivement en toutes sortes de diversités et de différences. […] A cette quantité d’autres écrits de circonstance et de combat, une idée morale, une apparence de patriotisme, un drapeau donnait une sorte de noblesse et recouvrait aux yeux du public, aux yeux des auteurs et compilateurs eux-mêmes, le mobile plus secret. […] L’autre jour, il est arrivé à une personne de notre connaissance, à l’ancien gérant de cette Revue, d’être accusé d’un mot inouï : il se serait plaint, en plaisantant, d’avoir affaire à deux sortes de gens les plus indisciplinables du monde, les comédiens et les gens de lettres. […] Au reste, nous parlons d’autant plus à l’aise de cette Société des Gens de Lettres, que, le grand nombre nous en étant parfaitement inconnu, une portion suffisante du moins nous semble offrir, par les noms, toute sorte de garanties. […] à moi qui ai affaire aux deux sortes de gens les plus indisciplinables, les comédiens et les gens de lettres !