Au second livre, Marmontel, qui a fait sa philosophie à Clermont-Ferrand et qui porte l’habit ecclésiastique, songe à prendre la tonsure à Limoges. […] Menacé de ruine à son tour et voyant sa fortune crouler avec l’ancien ordre de choses, il songea à s’abriter dans quelque asile champêtre pour continuer d’y vaquer à l’éducation de ses enfants.
Mais, au lieu d’en conclure qu’après s’être si violemment trompé, il n’avait rien de mieux à faire qu’à se repentir et à se taire, La Harpe ne songea pas seulement à s’imposer cette mortification du silence, la plus pénible de toutes pour l’amour-propre, et on le vit, au sortir de sa prison, se lancer avec plus de ferveur que jamais dans toutes les mêlées ; son ardeur n’avait fait que changer de signal et de drapeau. […] J’ai mangé d’un succulent potage, deux côtelettes panées à la minute, l’œil et les abat-joues de cette tête de veau si blanche, ce morceau de brochet du côté de l’ouïe que vous m’avez servi vous-même : je n’ai rien refusé parce qu’il faut que la volonté de Dieu et des jolies femmes soit faite ; j’ai fait honneur aux trois services : en un mot, j’ai dîné, moi indigne, comme aurait pu le faire un ancien prélat, et voilà cependant (ici les pleurs redoublent) que je songe à quelles cruelles privations sont exposés tant de pauvres prêtres sans dîmes, de chanoines sans bénéfices, qui n’ont peut-être pas une omelette au lard, et qui dîneront mal d’ici à l’éternité, si la Providence ne vient à leur secours.