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359. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Le sens commun, la sagesse vulgaire, est la règle que Dieu a donnée au monde social. […] Interrogez tous les peuples sur les idées qu’ils se font des rapports sociaux, vous verrez qu’ils les comprennent tous de même sous des expressions diverses ; on le voit dans les proverbes qui sont les maximes de la sagesse vulgaire. […] L’idolâtrie fut nécessaire au monde, sous le rapport social : quelle autre puissance que celle d’une religion pleine de terreurs, aurait dompté le stupide orgueil de la force, qui jusque-là isolait les individus ? […] Elle l’a conduit, par des routes écartées, à découvrir son œuvre admirable du monde social, à pénétrer dans l’abîme de sa sagesse les lois éternelles par lesquelles elle gouverne l’humanité. […] Les explications physiologiques qu’il donne à plusieurs phénomènes sociaux, ôtent au système sa grandeur et sa poésie, sans l’appuyer sur une base plus solide.

360. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Ces deux événements, ces deux succès, très-sensibles parce qu’ils ont éclaté au théâtre, et dans les circonstances les plus propres à les faire ressortir, ne sont au reste qu’une indication de ce qui se passe ailleurs et à côté dans toute l’étendue d’une certaine couche sociale : en religion, politique, arts, modes et costumes, réaction sur toute la ligne. […] Il y a eu, en 1800, une réaction sociale complète, et elle était, si l’on s’en souvient, assez motivée. […] La solution mixte improvisée à cette révolution pouvait déplaire à une portion notable des esprits et des cœurs : on pouvait désirer, concevoir du moins une autre issue, un autre cours donné aux choses, un autre lit au torrent ; mais tous, et ceux même qui se prononçaient pour la solution mixte, étaient très-persuadés qu’il allait y avoir pour bien des années dans le corps social une plénitude de séve, une provision, une infusion d’ardeurs et de doctrines, une matière enfin plus que suffisante aux prises de l’esprit. Et voilà que, dès 1837, le calme presque universel s’établissait ; et, pour réduire la question aux limites de notre sujet, voilà que littérairement, ce calme social d’apparence propice n’enfantait rien et ne faisait que mettre à nu le peu de courant ; que de guerre lasse, et à force de tourner sur soi-même, on se reportait d’un zèle oiseux vers le passé, non pas seulement le haut et grand passé, mais celui de toute espèce et de toute qualité, et l’on déjeunait des restes épicés de Crébillon fils comme pour mieux goûter le Racine ; voilà que les générations survenantes, d’ordinaire enthousiastes de quelque nouvelle et grande chimère et en quête d’un héroïque fantôme, entraient bonnement dans la file à l’endroit le plus proche sans s’informer ; que sans tradition ni suite, avec la facilité de l’indifférence, elles se prenaient à je ne sais quelles vieilles cocardes reblanchies, et, en morale comme dans l’art, aux premiers lambeaux de rubans ou de doctrines, aux us et coutumes de carnaval ou de carême.

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