La société comme la terre, n’est jamais plus féconde que quand elle a été bien remuée par le soc des révolutions : elle produit alors des plantes inattendues. […] Il attira autour d’elle, dans un centre de société cosmopolite, le comte de Grammont, l’abbé de Saint-Réal, historien superficiel, mais entraînant, précurseur de Voltaire dans l’art de donner de la couleur et du mouvement au récit, Hamilton, le Saint-Évremond anglais, Waller enfin, l’Anacréon de la Grande-Bretagne. […] Ce succès éclatant à la fin de ses études l’introduisit presque encore enfant chez Nodier, dans cette société de l’Arsenal dont la gloire était Hugo, dont l’agrément était Charles Nodier. […] Un front distrait plutôt que pensif, des yeux rêveurs plutôt qu’éclatants (deux étoiles plutôt que deux flammes), une bouche très fine, indécise entre le sourire et la tristesse, une taille élevée et souple, qui semblait porter, eu fléchissant déjà le poids encore si léger de sa jeunesse ; un silence modeste et habituel au milieu du tumulte confus d’une société jaseuse de femmes et de poètes complétaient sa figure. […] Ainsi le voulait le temps qui sortait, le front couvert de cendres, des décombres d’une société ; ainsi le voulaient nos propres cœurs, que nos mères avaient allaités de tristesse ou que l’amour malheureux avait enivrés de son dernier charme, la mélancolie des regrets.
Bientôt après, la passion du cardinal de Richelieu pour les spectacles mit le goût de la comédie à la mode ; et il y avait plus de sociétés particulières qui représentaient alors, que nous n’en voyons aujourd’hui. […] Cette société éclipsa bientôt toutes les autres ; on l’appela l’Illustre Théâtre. […] La bonne comédie ne pouvait être connue en France, puisque la société et la galanterie, seules sources du bon comique, ne faisaient que d’y naître. […] Il ne manquait à cette société de grands hommes que le seul Racine, afin que tout ce qu’il y eut jamais de plus excellent au théâtre se fût réuni pour servir un roi, qui méritait d’être servi par de tels hommes. […] Les fous y étaient aussi à la mode ; chaque prince et chaque grand seigneur même avait son fou ; et les hommes n’ont quitté ce reste de barbarie, qu’à mesure qu’ils ont plus connu les plaisirs de la société et ceux que donnent les beaux-arts.