Ni les actions ni les discours de l’homme sauvage, ou récemment en société, ne seront pareils à ceux de l’homme policé : ces différences entre les individus existent entre les races humaines par la suite des temps, et entre les nations par l’empire dei gouvernements établis. […] Plus près de la nature, ils n’auraient que des habitudes sauvages, brutales, abjectes ; et leur informe société, sans culte, et sans idée d’un code, ne présenterait rien de ce qui porte le nom de mœurs : trop loin de cet état primitif, et dégénérés d’eux-mêmes, ils auront perdu l’énergie de leurs sentiments assujettis aux chaînes d’une législation compliquée : les principes du droit des gens émousseront l’âpreté de leurs aversions nationales : la seule peur du ridicule tempérera l’emportement de leurs querelles domestiques : la diversité de leurs usages participera de la multitude des relations qui étendront leur communauté ; leurs caractères propres s’effaceront dans le commerce d’une politesse délicate et trompeuse ; la dissimulation suppléera sans cesse à la violence ; leurs traits seront moins saillants, et n’exprimeront qu’à peine les mouvements captifs de leur cœur, et les affections déguisées avec art dans le mystère de leurs pensées.
La différence des temps fait le même effet que celle des lieux : la Grece entiere du temps d’Homere n’étoit qu’un village en comparaison de la société perfectionnée depuis lui.