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1481. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Guigniaut le plus illustre voyageur de notre siècle, M. de Humboldt, vieillard courbé et blanchi, mais qui n’a rien perdu de la vigueur de son esprit ; il voulut bien prendre intérêt à mon voyage, et me questionna sur la route que je me proposais de suivre ; mais il s’indigna presque de mes réponses : “Un homme intelligent peut-il songer au voyage d’Orient sans s’y préparer par un voyage à Venise ? […] J’y remarque cette belle page qui lui fut inspirée par les harmonies de la nature et de l’histoire, par l’heureuse et parfaite convenance du cadre et des souvenirs, en face de l’admirable vallée, aujourd’hui déserte, d’Olympie : « Il existe entre les lieux célèbres et leur histoire une harmonie qui en fait le charme ; on sent à les parcourir vingt siècles après leur ruine qu’ils étaient prédestinés, que ce qu’ils ont été ils devaient l’être, que la nature avait mis une correspondance intime entre eux et le fait dont ils ont été le théâtre, ou la pensée dont ils ont été le symbole. […] Considérant l’œuvre de Shakespeare comme une image plus ou moins complète, plus ou moins fidèle du monde réel et du monde imaginaire, je vais avec lui de pays en pays, de siècle en siècle, passant d’Athènes à Rome, de l’antiquité grecque et latine à la Renaissance italienne, du midi au nord, d’Elseneur en Angleterre et en Écosse ; ici des légendes à l’histoire, là de l’histoire à la comédie, enfin de la comédie de mœurs à la comédie romanesque et à la comédie fantastique. […] Généralisant son point de vue, y rattachant le résultat de ses précédentes études sur Dante et Pétrarque, il s’était arrêté à l’idée de réunir sous ce titre : Des Confessions poétiques, une suite d’analyses dans lesquelles il aurait présenté les modifications du sentiment personnel se produisant aux différents siècles. […] Cependant au dernier siècle, un bénédictin, dom Déforis (1772), s’était avisé de fouiller dans les manuscrits de Bossuet et d’en tirer neuf volumes de sermons ou de canevas de sermons.

1482. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

En même temps Le Bourgeois gentilhomme est prosaïque ; prosaïque au même titre que les Caractères de la Bruyère, ou que Le Siècle de Louis XIV de Voltaire. […] Ils se conscient de l’ennui des drames de Destouches en constatant à leur honneur que ce sont des comédies de caractère, et ils rabaissent leur siècle, si fécond en merveilles dans l’ordre du vaudeville, leur siècle qui a produit Le Désespoir de Jocrisse 51, en s’écriant que la grande comédie est morte. […] Si dans l’état d’innocence Adam a failli, que peut donc faire le pauvre Jack Falstaff dans ce siècle corrompu ? […] Mais, parmi les débris du naufrage de Molière, il y a deux ou trois choses dont, pour moi, je regretterais la perte, et notamment celle des coups de bâton. à l’usage des adultes, que notre siècle trop délicat ou trop compatissant voudrait abolir119. […] C’est à ce dernier genre de malheur qu’il faut rapporter ces moyens corporels d’éducation pour les adultes, que notre siècle, ou très délicat, ou très compatissant, veut bannir du théâtre, quoique Molière, Holberg et d’autres grands maîtres en aient fait un fréquent usage.

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