Henri Martin, — on le verra mieux dans l’étude que nous lui consacrerons, — a sur un fond terne un relief comique, un seul, — il est vrai, — mais très comique, il faut l’avouer. […] Ce n’est pas lui qui aurait dit cette netteté, par exemple : « Les philosophes, voilà les seuls prêtres de l’avenir ! […] … Le seul dogme de la Religion naturelle de M. […] Il faut une sanction à la morale chrétienne, que seul le christianisme a trouvée, et qu’une doctrine humaine, philosophique ou naturelle, ne peut remplacer ! […] L’ennui n’est pas une garantie, et n’avoir pas de talent du tout en voulant qu’il n’y ait plus du tout de religion, est un moyen d’agir sur la reconnaissance des hommes, et c’est la seule chose d’esprit peut-être dont on puisse, dans son système, louer M.
Il a cette flexibilité qu’on pourrait appeler encyclopédique, qui se ploie trop aisément à tous les sujets pour s’attacher opiniâtrément à un seul dans lequel il se montrerait incomparable et maître. […] Mais qui oserait dire que les traductions de La Fontaine, cet Homère naïf d’une civilisation qui ne l’était pas, cette seule imagination capricieuse de toute une littérature tracée au cordeau comme les allées de Le Nôtre, ne soient pas de l’invention au premier chef, de la création bel et bien, dans tout son pur et intime jet de source ? […] La seule chose qui appartienne bien à Feuillet, c’est le sentiment, sinon très sincère, au moins très bien joué (en art c’est identique), qui circule à travers les combinaisons qu’il n’a pas faites ; c’est le style, qui anime et colore toutes ces combinaisons. […] Mais La Fontaine n’est pas le seul écrivain qui ait laissé ses influences sur Feuillet, sur cet étonnant caméléon intellectuel qui écrit des contes aujourd’hui et qui demain peut-être nous écrira quelque livre d’art ou d’histoire. […] Nous avons donc eu dans ces Contes, au prix d’un plaisir, deux leçons : la leçon morale que doit aux enfants tout conteur, et qui est le pain de la confiture, disait Bernardin de Saint-Pierre, et la leçon de langue que le conteur ne devait pas et qu’il nous a donnée, sans avoir l’air d’y toucher, — la seule chose, cette finesse (j’aurai la brutalité de le dire en finissant), qui sente la diplomatie et qui nous rappelle à quel diplomate nous avions affaire, puisque, dans tout ce carnaval de contes d’enfant et de grand-père, il s’est si parfaitement et si délicieusement déguisé.