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942. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Le travail intellectuel de l’homme se borne à sentir, et après qu’il a senti, à idéer. […] La matière de son œuvre est forcément prise au monde extérieur (les chimériques fictions d’un Poe ou d’un Rops sont faites avec des morceaux de réalité), mais il est génial, c’est-à-dire créateur, parce que : 1º Sa sensibilité exceptionnelle (supériorité nerveuse) le fait descendre à des profondeurs encore vierges, où il sent les harmonies cachées et les beautés inconnues ; 2º Son intellectualité exceptionnelle (supériorité cérébrale) lui découvre, après des analyses plus subtiles ou des synthèses plus générales, les expressions neuves et les formules définitives. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Ce peuple, le plus intelligent du monde, vibrait comme un cœur unique, écoutant les gémissements d’Atossa, mère de Xerxès, dans la sublime péroraison des Perses : parce qu’il y sentait, traduite dans la langue des dieux, l’émotion encore chaude de Salamine, de la victoire remportée, de la liberté sauvée.

943. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Le travail intellectuel de l’homme se borne à sentir et, après qu’il a senti, à idéer. […] La matière de son œuvre est forcément prise au monde extérieur (les chimériques fictions d’un Poë où d’un Rops sont faites avec des morceaux de réalité), mais il est génial, c’est-à-dire créateur, parce que : 1º Sa sensibilité exceptionnelle (supériorité nerveuse) le fait descendre à des profondeurs encore vierges, où il sent les harmonies cachées et les beautés inconnues ; 2º Son intellectualité exceptionnelle (supériorité cérébrale) lui découvre, après des analyses plus subtiles ou des synthèses plus générales, les expressions neuves et les formules définitives. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Ce peuple, le plus intelligent du monde, vibrait comme un cœur unique, écoutant les gémissements d’Atossa, mère de Xerxès, dans la sublime péroraison des Perses : parce qu’il y sentait, traduite dans la langue des dieux, l’émotion encore chaude de Salamine, de la victoire remportée, de la liberté sauvée.

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