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697. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Au sou près, nous partageons assez ces sentiments. […] Sentir vif et juste, désirer s’expliquer et expliquer son sentiment, sont également nécessaires. […] Certes, l’impressionniste a raison quand il dit : « Ce qu’il y a de plus certain, c’est mon sentiment ; il a tort quand il ajoute : « Qu’un autre juge, s’il est judicieux. » Car c’est celui qui ressent le plus profondément dont le jugement excite ou émeut. […] Le critique impressionniste intransigeant en est réduit à entourer cinq lignes délayant péniblement son sentiment, de commentaires ésotériques, souvenirs de jeunesse, évocations de lectures analogues, citations, congratulations ou injures. […] L’homme parfait que donnerait l’équilibre du sentiment et de l’intelligence, de la raison approuvant l’instinct1 !

698. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Mais, en même temps que le cœur saigne et que l’imagination se flétrit, on est consolé pourtant de se sentir pour compagnon et pour guide un guerrier modeste, ferme et humain, en qui les sentiments délicats dans leur fleur ont su résister aux plus cruelles épreuves. […] Cette illusion fut promptement détruite ; mais j’aime encore à en conserver le souvenir, et c’est le dernier sentiment doux que j’aie éprouvé dans le cours de cette campagne. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir. Chez la plupart, le sentiment physique prend le dessus irrésistiblement sur le moral ; l’instinct de conservation, l’égoïsme de vivre se prononce. […] Combien ils sont peu nombreux ceux en qui un sentiment élevé d’honneur, de sympathie, de dévouement, une religion quelconque est inséparable jusqu’au bout du besoin de vivre inhérent à toute nature, et que cette religion n’abandonne qu’avec le dernier soupir !

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