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554. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Nés tous deux d’une ancienne famille noble du Midi fort déchue en fortune, mais restée fidèle jusqu’au bout aux sentiments et à l’honneur de la race, ils auront plus contribué à l’illustrer que tous les preux chevaliers d’autrefois à jamais oubliés et perdus dans la nuit des âges. […] Mlle de Guérin écrit une bonne partie de ses lettres, et des meilleures, des plus agréables, à sa jeune amie Louise de Bayne dont elle avait vu éclore la rieuse enfance, celle même à qui son frère Maurice semble avoir songé dans de premiers vers qui recèlent un sentiment tendre. Ce sentiment ne prit point corps ni figure : Maurice, pauvre et n’ayant rien à offrir, alla à Paris suivre ses études, s’attacha à M. de Lamennais, le quitta, donna des leçons, essaya de la vie littéraire ; distrait et guéri, une jeune fille riche, une de ses élèves créole, se rencontra qui se prit de goût pour lui ; il se maria pour mourir presque aussitôt. […] Nous disions cela dimanche avec un Monsieur rempli d’esprit et de bons sentiments dormants, mais qui s’avoue coupable de ne pas agir comme il pense… » Notons au passage ces bons sentiments dormants ! […] Ainsi, on vient de le voir, si elle parle de quelqu’un qui a de bons sentiments dormants, elle souligne le mot comme un peu singulier ; elle craindra ailleurs de dire des cordes vibrantes.

555. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Elle crut qu’une victoire obtenue sur l’amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas ; mais elle avait encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le théâtre : elle se ressouvenait des sentiments qu’elle avait eus longtemps pour Louis XIV et du goût vif de ce prince pour elle. […] Ce sont ces sentiments qu’elle voulut voir développés sur la scène autant pour sa consolation que pour son amusement. » On sait en effet, par l’intéressante histoire qu’a tracée d’elle madame de La Fayette, combien Madame et son royal beau-frère s’étaient aimés dans cette nuance aimable qui laisse la limite confuse et qui prête surtout au rêve, à la poésie. […] Les sentiments discrets qu’elle avait nourris circulaient déjà plus librement, trahis par la mort ; ils s’échappaient comme en vagues éclairs sur cette trame si fine ; son âme aimable y respirait ; les allusions devenaient, pour ainsi dire, à double fond. […] Quel moment en effet dans une société que celui où des sentiments si nobles, si délicats, disons même si subtils, et qui courraient presque risque de nous échapper aujourd’hui, étaient saisis unanimement par un cercle avide qu’ils occupaient aussitôt et passionnaient ! […] Titus donc exprime en lui le caractère tragique, en ce sens qu’il soutient une lutte généreuse, qu’il sort du penchant tout naturel et vulgaire ; qu’il a le haut sentiment de la dignité souveraine et de ce qu’on doit à ce rang de maître des humains.

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