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829. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Cette identité foncière de la création et de l’artiste, quand celui-ci s’est exprimé entièrement par celle-là, donne la sensation du parfait, presque de l’absolu. […] Comme Beyle, il se procure un soulagement de sa propre atonie en épousant par imagination des existences à demi barbares, dénuées de culture, mais opulentes en sensations et en volontés. […] Cette sensation de la présence, le narrateur l’impose par un choix de tout petits faits, très humbles, mais tous révélateurs, mais soigneusement triés. […] Ce sont des ambitieux pour qui la position à conquérir n’est qu’une espérance de belles amours, de sensations distinguées, de joies et de chagrins à la mesure de leur cœur. […] Son premier roman, l’Appel des armes, avait produit, on se rappelle, une sensation très vive.

830. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Cette divine impassibilité du grand artiste, qui se sépare pour ainsi dire en deux êtres, l’être sentant et l’être impassible, est supérieure à la sensibilité vulgaire, car elle l’élève au-dessus de la région des sensations jusqu’à la région de la pure intellectualité. […] Conserver la beauté dans la douleur, ne dégrader jamais l’homme intellectuel par le déchirement de ses sensations, montrer toujours l’intelligence impassible survivant au cœur torturé, voilà le comble de l’art antique, voilà la loi du beau ; c’est cette loi du beau dans l’art que quelques grands artistes de notre époque ont voulu nier et renverser en cherchant l’expression dans la seule vérité imitative, en peignant le laid avec autant de recherche que le beau, et en inventant ce paradoxe artistique et littéraire qu’ils ont appelé l’art pour l’art !

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