On raffine sur les sensations ; on en crée presque de nouvelles par l’attention et par la volonté ; on saisit des rapports subtils entre celles de la vue, celles de l’ouïe, celles de l’odorat (ces dernières surtout ont été recherchées de Baudelaire) ; on se délecte du monde matériel, et, en même temps, on le juge vain, — ou abominable C’est encore, en amour, l’alliance du mépris et de l’adoration de la femme, et aussi de la volupté charnelle et du mysticisme. […] Comme rien n’égale en intensité et en profondeur les sentiments religieux (à cause de ce qu’ils peuvent contenir de terreur et d’amour), on les reprend, on les ravive en soi et cela, en pleine recherche des sensations les plus directement condamnées par les croyances d’où dérivent ces sentiments.
L’admiration n’est pas passive comme une sensation pure et simple. […] En somme, ce ne sont point les lois complexes des sensations, des émotions, des pensées mêmes, qui rendent la critique d’art si difficile ; on peut toujours, en effet, vérifier si une œuvre d’art leur est conforme ; mais, lorsqu’il s’agit d’apprécier si cette œuvre d’art représente la vie, la critique ne peut plus s’appuyer sur rien d’absolu ; aucune règle dogmatique ne vient à son aide : la vie ne se vérifie pas, elle se fait sentir, aimer, admirer.