J’étudiai néanmoins ; je lus, et c’est le résultat de ces lectures qui compose aujourd’hui la vie de Rancé. » Cette humble origine de l’ouvrage sied à l’humilité du sujet ; cette docilité de l’illustre auteur est touchante ; mais le vieux confesseur avait raison ; avec le coup d’œil du simple, il lisait dans le cœur de René plus directement peut-être que René lui-même ; il avait touché les fibres secrètes par où René était fait pour vibrer à l’unisson de Rancé. […] On raconta donc qu’étant à la campagne lorsque arriva cette mort imprévue de la plus belle personne de la Cour, et qui le préférait à tous les autres, il revint sans en être informé, et que, montant tout droit dans l’appartement dont il savait les secrets accès, il trouva l’idole non-seulement morte, mais encore décapitée ; car les chirurgiens avaient, dit-on, détaché cette belle tête pour la faire entrer dans le cercueil trop court. […] Dom Gervaise faillit tout perdre ; Saint-Simon nous a raconté les détails longtemps secrets et vraiment étranges qui amenèrent le nouvel abbé à une démission forcée ; il fut lui-même trop employé à la Cour dans cette affaire pour qu’on puisse douter des circonstances qu’il affirme et qu’il n’a aucun intérêt, ce semble, à surcharger. […] Pour faire un vrai Rancé, il y a un coin de monde à introduire, un ressort moral à toucher, une fibre secrète à atteindre que l’orthodoxie des contemporains ne cherchait pas et n’admettait pas.
Ce Wolf est un original qui, s’étant laissé aller un soir d’ivresse à faire une confidence indiscrète à un ami qu’il n’avait jamais vu jusque-là, va le forcer le lendemain matin à se couper la gorge avec lui pour que le secret ne soit plus partagé. […] Il est douteux qu’en commençant son fameux ouvrage, cet homme d’esprit et d’invention ait prétendu autre chose que de persister plus que jamais dans sa voie pessimiste, et, rassemblant tous ses secrets, en faire un roman bien épicé, bien salé, à l’usage du beau monde. […] Mais bientôt, en avançant dans son sujet, l’auteur eut une crainte : certains feuilletons firent crier les moins scrupuleux ; l’odeur secrète, ce que j’ai entendu appeler l’odeur du fond de cale, si masquée qu’elle fût de temps à autre dans des parfums, perçait trop par intervalles. […] Nous avons regret de clore avec un homme d’esprit, et si peu entêté de son succès, par un post-scriptum qui peut paraître sévère ; mais lui-même, s’il disait son secret et son jeu, et tout ce qu’il sait de la gobe-moucherie humanitaire (la plus gobe-mouches de toutes), que ne dirait-il pas ?