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523. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Il se trompait sur la science, qu’il croyait dans le progrès infini, comme Condorcet, qui posait que la science pouvait même supprimer la mort. […] La science a gâté en lui la nature. « Tout homme qui « pense est un animal dépravé », a dit Rousseau, dont Proudhon est un des bâtards, mais cinquante fois plus fort que son père. […] C’est la pensée, — comme son temps la comprenait, — c’est la science de son temps qui le pervertirent. […] Mais les sciences, mais l’orgueil des sciences, mais la philosophie du xviiie  siècle, mais la Révolution française, faussèrent, déformèrent et mutilèrent abominablement ce bon sens, qui aurait dû rester souverain, et c’est ainsi que le régicide intellectuel fut accompli dans l’esprit de cet homme, qui politiquement, du reste, ne devait pas répugner au régicide. […] Il ne se serait jamais vautré dans les bras sacrilèges de la religieuse de Luther, Et toujours plus tard, plus tara encore, au xviie  siècle, par exemple, il eût été très bien l’abbé Proudhon, un théologien qui aurait passé, haut la main, de magnifiques thèses en Sorbonne, comme, au xixe  siècle, il concourait pour des prix à l’Académie des sciences morales et politiques, et il eût laissé derrière lui quelques traités de droit canon et d’érudition religieuse.

524. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari, soit-il doublé d’Hegel, est de n’en avoir aucune, même en acceptant le dogme de la fatalité que devait lui donner la science, c’est-à-dire (entendons-nous) celle du daguerréotype, qui réfléchit tous les corps existants au soleil, sauf leur couleur, leur mouvement, leur bruit, en d’autres termes, leur son, leur parfum, leur lumière ! […] On parle de ses lumières et de son amour pour la science. […] C’est la même science du chiffre et de l’atome, la même exactitude dans l’imperceptible détail, la même précision étonnante, effrayante et éblouissante ! […] Pour lui, toute la science politique est là et n’est pas ailleurs. […] Cet athée, cet observateur, ce solitaire qui n’écrit que pour d’autres solitaires, et veut montrer l’homme sans pruderie et sans sermon, l’exagère, en nous annonçant, de par la Science, une ère très prochaine de divinateurs et de prophètes, qui seront les vrais hommes d’État de l’avenir !

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