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352. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Il les avait adressées, les neuf premières, à un philosophe aux trois quarts convaincu, mais dont la raison, habituée au positif, reculait devant la transformation de l’école en temple, de la science en dogme, de l’industrie en culte, des beaux-arts et de la philanthropie en religion ; les cinq dernières, à un millénaire écossais, protestant qui aspirait à l’unité, mais qui méconnaissait dans le catholicisme la constitution sociale du christianisme, n’y voyait qu’une corruption de l’Église primitive, et croyait au rétablissement prochain, et au règne indéfini de l’antique société évangélique. A celui qui ajournait la religion, l’auteur de ces lettres avait à faire sentir et à démontrer que la science est sans vie, l’industrie sans réhabilitation, les beaux-arts sans rôle social, si un lien sacré d’amour ne les enserre pour les féconder ; il avait à révéler l’influence puissante, bien qu’incomplète, du dogme chrétien et de la théologie sur la politique d’alors et sur les progrès de la société ; il avait à prouver qu’aujourd’hui que cette théologie est reconnue arriérée, s’abstenir d’y substituer celle qui seule comprend l’humanité, la nature et Dieu ; rejeter ce travail glorieux et saint à un temps plus ou moins éloigné sous prétexte que le siècle n’est pas mûr ; s’obstiner à demeurer philosophe, quand l’ère religieuse est déjà pressentie, se rapetisser orgueilleusement dans le rôle de disciples d’un Socrate nouveau, quand la mission d’apôtres devrait soulever déjà tous nos désirs ; — que faire ainsi, c’était se barrer du premier pas la carrière, se poser une borne au seuil de l’avenir, s’ôter toute vaste chance de progrès et être véritablement impie. […] La science y était peu cultivée, mais on ne la proscrivait pas ; il y était peu question de l’esprit, mais c’était silence plutôt que négation. […] Guizot (Nouveaux Lundis, tome IX, page 98.) «  Pour sa peine, dit-il en parlant du sage désillusionné, qui se résigne à la science pure, vous l’appelez sceptique : ne croyez pas l’humilier.

353. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

La force du parti des modernes était dans les Perrault : ils étaient trois frères449, amateurs de lettres et de sciences, intelligents, présomptueux, actifs, remuants, mondains, pourvus de bonnes places et de la confiance de Colbert. […] À travers les détours du dialogue, et les défaillances ou les lacunes de l’exécution, voici l’argumentation qui se reconnaît : la loi de l’esprit humain, c’est le progrès ; dans les arts, dans les sciences, nous faisons mieux, nous savons plus que les anciens ; donc dans l’éloquence aussi, et dans la poésie, nous devons leur être supérieurs. […] Ce rationalisme mondain tire ses principes de la mode, des convenances, de l’opinion ; il n’admet point de vérité, de beauté hors des choses qui ont cours dans la société polie ; et, comme le mouvement général des idées, en France, à cette date, porte vers l’esprit et vers la science, vers l’exercice exclusif des facultés intellectuelles et discursives, l’idéal mondain est forcément l’exagération de cette tendance. […] Charles, premier commis de la surintendance des bâtiments du roi, de l’Académie française depuis 1670, de l’Académie des belles-lettres depuis la fondation, eut une grande part dans les mesures de protection et d’encouragement que prit Colbert en faveur des sciences et des savants.

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