Gervaise raisonnable et fraîche, au début de l’Asommoir, est aimable ; Mme Hédouin illumine de sa beauté de femme de tête l’ignoble bourgeoisie de Pot-Bouille ; Denise pousse à bout la raison vertueuse ; et l’héroïne de la Joie de vivre est de même une fille sensée, forte et savante. […] Cesser tout à coup de penser les choses réelles, en détacher un caractère extrêmement compréhensible et ne plus concevoir les individus qu’en tant qu’ils participent de cet attribut métaphysique est le fait soit d’une intelligence spéculative et savante, soit parfois d’un styliste émérite, d’un homme au tour d’esprit verbal qui emploie inconsciemment la synthèse que les mots ont faits de nos idées générales.
Nisard, est une certaine raison, non spéculative, mais pratique, qui ne se laisse dominer ni par l’imagination ni par la sensibilité, mais qui n’est cependant pas une raison froide et abstraite, qui se colore et s’anime, sans jamais s’emporter, qui partout cherche le vrai, mais le vrai aimable, séduisant, charmant, non pas le vrai arbitraire des métaphysiciens, ou le vrai absolu et abstrait du savant, mais ce vrai solide et éprouvé de la vie mondaine, de la vie pratique, de la vie morale. […] , que ces grands interprètes nous donnent un vrai Corneille, un vrai Racine dans toute leur noblesse et leur simplicité, que cette poésie si profonde et si délicate, si mâle et si savante, trouve une expression digne d’elle ; et, malgré nos préjugés, malgré les corruptions de notre goût, malgré quelques défauts inséparables du génie humain, nous nous reconnaîtrons dans le Cid, dans Chimène, dans Polyeucte ou dans Andromaque, dans Auguste et dans Agrippine ; nous y reconnaîtrons nos passions ou nos vertus embellies et agrandies, et nous applaudirons encore à cette image idéale de nous-mêmes, comme si ces immortelles créations étaient nées d’hier.