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278. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

L’élévation de cœur en effet, la noblesse de sentiments qui était inhérente à sa nature et qui, dans ses mémoires, est masquée par l’esprit de plaisanterie et de satire, se prononce davantage dans les lettres : la margrave s’y montre par ses meilleures et ses plus solides qualités, non plus comme le peintre moqueur et caricaturiste de sa famille, mais bien plutôt comme une personne passionnée, aimante, et, quand il le faudra, héroïque et généreuse, dévouée à l’honneur de sa maison ; et c’est aussi par ces côtés sérieux et moins connus que nous prendrons plaisir à la dégager et à la dessiner en face de son frère. […] Elle avait de la philosophie dans le meilleur sens du mot, et, avec le sentiment de ce qu’elle était et la volonté de ne condescendre à rien d’indigne, elle souhaitait avant tout une vie sérieuse et tranquille, l’étude, les beaux-arts et la musique, les charmes de la société. […] Il raille fort piquamment sur le sujet de ce dernier, et je vous avoue, mon cher frère, que je n’ai pu m’empêcher de rire en lisant l’article ; car il est tourné si comiquement qu’on ne saurait garder son sérieux.

279. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il n’en a pas été ainsi de M. de.Voltaire… Et, en effet, on se rend compte aussitôt de la différence : sa jeunesse fut toute portée, toute favorisée par les circonstances, et il ne cessa d’avoir le zéphyr en poupe, depuis le jour où Ninon lui légua de quoi acheter des livres jusqu’au jour, le premier tout à fait sérieux et douloureux de sa vie, où il eut son aventure avec le chevalier de Rohan. […] Il ne comprit rien au sérieux ardent de ce nouvel apôtre et à sa prise sur les jeunes âmes : il n’y vit qu’un grotesque, par-ci par-là éloquent. […] Cela honore sa vieillesse ; cela explique, qu’on ait fini par rattacher à son nom une renommée plus sérieuse et plus grandiose que ne semblaient l’autoriser tant d’incartades de conduite et d’inconséquences, et cela aussi fait regretter qu’il ne se soit pas toujours souvenu de ce qu’il écrivit une fois à un libraire de Hollande, Marc-Michel Rey, qui lui attribuait dans son catalogue des ouvrages indignes de lui : Mon nom ne rendra pas ces ouvrages meilleurs, et n’en facilitera pas la vente.

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